Discuter, Écrire, Traduire

« Le livre avant tout » : entretien avec Fanny Wallendorf, traductrice de Carver et Cassady (2/2)

Fanny Wallendorf est écrivain et traductrice. Elle a notamment traduit un recueil d’entretiens avec Raymond Carver (Grandir et Durer, Conversations with Raymond Carver, Diabase, 2014) et la correspondance de Neal Cassady (Un truc très beau qui contient tout, Finitude, 2014 et Dingue de la vie & de toi & de tout, Finitude, 2015). Elle signe aussi la traduction de Mister Alabama, de Philipp Quinn Morris, à paraître en octobre 2016 chez Finitude.

{La première partie de l’entretien est disponible ici}

Le traducteur est reconnu officiellement en France comme un auteur, et sa traduction est un véritable travail de création. Si bien qu’il est parfois difficile de distinguer le travail de traduction du travail d’« écriture personnelle ». Il faut souvent recourir à des expressions un peu alambiquées pour les distinguer. Selon toi, cette distinction est-elle pertinente ? Tu fais par exemple preuve d’une exigence tout aussi forte dans la traduction que dans l’écriture. Qu’est-ce qui diffère alors dans ton travail de l’une à l’autre ?

Je ne pense pas que le traducteur soit reconnu comme un auteur, loin de là. Je pense que l’exercice de la traduction reste méconnu. Heureusement, certains grands traducteurs nous permettent de lire un peu à ce sujet. L’écriture, processus énigmatique s’il en est, ne peut probablement être abordée que par ce biais. Sinon c’est trop difficile, voire pas souhaitable.

Si l’on s’en tient au premier degré de perception des choses, on pense que dans la traduction on a à rendre quelque chose de visible, de « déjà-là », et que dans la « fiction » il s’agit d’arracher quelque chose à l’invisible. Pour ma part, il s’agit à chaque fois d’atteindre l’état qui permet de rendre une énergie, dans toutes les composantes de sa singularité. Dans les deux cas, cette énergie est comme indépendante de moi. Continue reading

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« Le livre avant tout » : entretien avec Fanny Wallendorf, traductrice de Carver et Cassady (1/2)

Fanny Wallendorf est écrivain et traductrice. Elle a notamment traduit un recueil d’entretiens avec Raymond Carver (Grandir et Durer, Conversations with Raymond Carver, Diabase, 2014) et la correspondance de Neal Cassady (Un truc très beau qui contient tout, Finitude, 2014 et Dingue de la vie & de toi & de tout, Finitude, 2015). Elle signe aussi la traduction de Mister Alabama, de Philipp Quinn Morris, à paraître en octobre 2016 chez Finitude.

Fanny Wallendorf, traductrice de Carver et CassadyOn te connaît avant tout pour ton travail de traductrice, mais tu es aussi écrivain. Personnellement, quel(s) terme(s) emploies-tu pour te qualifier ? (Écrivain, traductrice, écrivain-traductrice, traductrice-écrivain…)

S’il fallait me qualifier, je dirais que je suis quelqu’un qui consacre ses journées à écrire.

J’ai écrit pendant une quinzaine d’années avant de me lancer dans la traduction par hasard. Outre la volonté de faire vivre une œuvre et de rencontrer un auteur de cette façon unique, j’ai pensé que la traduction m’apprendrait des choses. Qu’elle serait une sorte de maître qui m’imposerait de ne pas fuir certains problèmes que pose l’écriture, devant lesquels je me défilais ou me sentais dans l’impasse. Je ne savais pas dans quelle grande et belle aventure je m’engageais, et à quel point l’apprentissage serait sévère ! Aujourd’hui, je n’imagine pas ne pas traduire. J’en éprouve à la fois le besoin et le désir. J’ai beaucoup de projets, dont la plupart seront difficilement réalisables, notamment à cause du chemin de croix que peut représenter l’acquisition des droits d’une œuvre.

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Traduire

Jean-Philippe Toussaint et ses traducteurs

Le 1er mars 2014, Jean-Philippe Toussaint était à l’École de traduction littéraire du CNL. À cette occasion, il est notamment revenu sur son expérience au Collège des traducteurs de Seneffe (Belgique) et sur les relations qu’il entretient avec ses traducteurs.

jean philippe toussaintJean-Philippe Toussaint au Collège européen des traducteurs littéraires de Seneffe

Jean-Philippe Toussaint mène un travail d’écriture en confrontation directe avec ses traducteurs. Quatre de ses livres ont été traduits (du moins en partie) lors de stages au Collège de Seneffe. Lorsqu’il a publié son premier roman, La salle de bain, en 1985, une demande de traduction était pour lui inimaginable. Il s’est demandé : « Que va devenir mon livre en italien ? », comme s’il s’agissait d’un enfant qui changeait de tuteur. « J’aimerais voir la nouvelle maman », a-t-il déclaré avant de se rendre à Milan pour rencontrer la traductrice. Avec elle, il s’est montré attentif et inquiet. Il a relu le texte en italien alors qu’il reconnaît lui-même ne pas avoir un très bon niveau dans cette langue. Mais les liens qu’il entretenait avec son texte en français étaient trop forts, passionnels pour ne pas se mêler au moins un peu de la traduction. Dix ans plus tard, Jean-Philippe Toussaint était déjà traduit dans des langues qu’il n’était même plus capable de lire. Aujourd’hui, il entretient toujours des liens avec ses traducteurs. Mais s’il les laisse plutôt venir à lui désormais, il est toujours accueillant avec les demandes.

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[Divers]

Translation Studies, de S. Bassnett

Susan Bassnett est professeur de littérature comparée et a été directrice du Center for British and Comparative Cultural Studies. Elle est l’auteure de nombreux ouvrages sur la théorie de la traduction. Translation Studies fut d’abord publié en 1980, puis réédité en 1991 et en 2002 dans la collection New Accents de Routldege. Cette collection a pour objet les études littéraires au sens large et s’adresse à un public étudiant de premier et deuxième cycles universitaires. Cet ouvrage propose donc une introduction aux Translation Studies. Divisé en trois parties, il évoque tour à tour les problèmes centraux du domaine, l’histoire de la théorie de la traduction et les problèmes spécifiques de la traduction littéraire. Mais surtout, il a pour ambition de montrer que les Translation Studies ne représentent pas un simple dérivé, une sous-catégorie de la littérature comparée ou de la linguistique, mais qu’elles constituent bien une discipline à part entière.

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[Divers]

Pourquoi être parfaitement bilingue ne suffit pas à faire de vous un bon traducteur

Les meilleurs traducteurs n’ont pas forcément grandi entre deux langues. D’ailleurs, il arrive même que les vrais bilingues (ceux qui ont deux langues maternelles) soient de mauvais traducteurs. Mais pourquoi ?

 

Il ne suffit pas d’être bon en langues, il faut savoir les utiliser

Tout d’abord, car la traduction ne se limite pas à une excellente maîtrise de deux langues (même si c’est bien entendu un prérequis), mais implique bien d’autres aspects et compétences (capacités rédactionnelles, solide culture générale, maîtrise des procédés et outils de traduction, etc.).

Ensuite, car l’usage que fait une personne bilingue de ses langues n’est pas forcément le même d’une langue à l’autre. C’est ce que François Grosjean appelle le « complementary principle » que l’on pourrait traduire par « principe de complémentarité ». Il explique que les personnes bilingues acquièrent et usent en général de leurs langues dans des domaines différents de leurs vies.

« Bilinguals usually acquire and use their languages for different purposes, in different domains in life, with different people. Different aspects of life often require different languages. »

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[Divers]

En 2012, j’ai…

 

2012 a été une année riche en émotions, pleine de découvertes, de surprises, de projets et d’inattendu. Pas toujours rose, pas toujours drôle. C’est tout de même avec une pointe de nostalgie que je lui ai fait mes adieux le 31 décembre dernier.

Mais c’était pour mieux accueillir 2013, les bras grands ouverts, pleine d’espoir et d’enthousiasme. Des rêves et des idées folles dans tous les recoins de mon esprit. Avec quelques craintes aussi. Mais encore et toujours avec la même envie.

 

En 2013, je voudrais :

  • lire 42 livres dont 1/2 en anglais
  • publier 50 articles sur Du Bout des Lettres
  • retrouver les 4393 visiteurs de l’an dernier
  • retourner en Suède
  • passer plus de temps auprès des chevaux et continuer d’apprendre à leur sujet
  • réellement progresser en suédois
  • continuer à apprendre et à passer d’agréables moments aux Matinales du traducteur, rencontrer de nouveaux (futurs) collègues
  • voir les ambitions de l’équipe de Poli se concrétiser
  • continuer à écrire, ici et ailleurs
  • douter, réfléchir, pleurer, rire… apprendre aussi. Mais surtout continuer d’avancer.

 

Très bonne année à tous.

 

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