Écrire

Objectif : 30 jours d’écriture

Aujourd’hui, je démarre un défi d’écriture. L’objectif : écrire avec régularité pendant tout le mois de novembre. À cette époque de l’année, certains se lancent dans un NaNoWriMo, suffisamment sûrs d’eux pour envisager d’écrire le premier jet d’un roman de 50 000 mots en un mois. Ce n’est pas mon cas. Mes ambitions sont beaucoup plus modestes.

En mars dernier, j’ai fait un truc fou : j’ai créé un groupe Meet-Up. Oui, bon, ce n’est pas escalader l’Everest, mais pour l’introvertie que je suis, ce n’était pas rien. Je me souviens encore de l’angoisse qui m’a étreinte ce jour-là, de la peur de ne convaincre personne avec cette idée au nom plutôt ambitieux : (Aspirants) écrivains francophones de Stockholm. J’ai failli en rester là. Avec un groupe de un. J’aurais été bien avancée. Mais j’ai pris mon courage à deux mains et ai partagé, un peu tremblante, mon nouveau projet sur un groupe Facebook de Français à Stockholm rassemblant plusieurs milliers de membres.

Je ne sais pas de quoi j’avais peur au juste. Qu’on se moque de moi ? Le plus dur, je m’en rends compte aujourd’hui, c’était d’étaler devant tous ces gens mon ambition d’écrire. On en revient finalement toujours à ça : la confiance en soi, la légitimité, le syndrome de l’imposteur. Je ne comprends pas pourquoi cette peur est toujours là. Après avoir fait mon coming out littéraire sur le blog il y a des lustres, avoir passé deux ans en master de création littéraire, avoir eu un de mes textes projeté sur un écran géant au Salon du livre de Paris… Mais aujourd’hui encore, c’est pour moi une lutte intérieure que de dire « je veux écrire, je vais écrire, j’écris, je suis écrivain… »

Quand j’ai lancé le groupe, en mars dernier, je pensais sincèrement que si nous étions deux ou trois aux événements, ça serait un succès. Aujourd’hui, 80 personnes font partie des (Aspirants) écrivains francophones de Stockholm, et une petite dizaine d’entre elles sont actives et viennent aux rencontres régulièrement. On se retrouve chaque semaine dans un café. On passe une heure et demie à écrire, puis on se détend et on discute. D’écriture, de littérature, parfois de tout autre chose.

L’objectif était de fédérer une petite communauté de personnes qui aiment et veulent écrire, d’avoir un espace où parler de ses projets, de ses ambitions, de ses difficultés en toute confiance. De développer un réseau de soutien et d’encouragement. De sortir de l’isolement, de la lutte intérieure… Ou en tout cas de ne plus avoir à la mener seule. C’était aussi de créer les conditions nécessaires à une pratique d’écriture régulière : un lieu, un moment récurrent. Un rituel.

Aujourd’hui démarre donc un des projets du groupe, un défi que j’ai lancé à cette communauté : écrire tous les jours pendant un mois. Ne serait-ce qu’une phrase.

Mon ambition personnelle est de revenir à la fiction, que j’ai la sensation d’avoir délaissée depuis (trop) longtemps. Mon activité professionnelle aujourd’hui consiste à écrire. J’écris et je traduis aussi de manière bénévole pour soutenir des causes ou des projets non lucratifs qui me tiennent à cœur. Mais tout cela se fait au détriment de ma pratique personnelle. Au détriment de mes deux blogs qui prennent la poussière. De ce premier roman que je me suis promis de retravailler et d’envoyer à des éditeurs. De ces deuxième et troisième romans qui attendent d’être écrits. De cette traduction que je rêve de reprendre et de faire publier… Alors ce défi, ces 30 jours d’écriture, c’est un temps que je m’offre pour renouer avec ce qui n’anime, avec l’écriture telle que je la rêve depuis que j’ai l’âge de tenir un stylo.

Ce défi d’écriture, je l’ai lancé dans le cadre de mon groupe stockholmois. Mais il est ouvert à tous. C’est peut-être aussi pour toi qui me lis l’occasion d’un nouveau départ, d’une réconciliation. C’est peut-être une porte qui s’ouvre.

Si c’est le cas : bienvenue. Tu n’es plus seul.

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Le journalisme scientifique : entretien avec Marta Zaraska

Marta Zaraska est journaliste scientifique. Ses articles sont notamment parus dans le Washington Post, Scientific American, Newsweek et New Scientist. Elle a publié deux romans, contribué à deux ouvrages du National Geographic, voyagé dans plus de 80 pays et vécu dans 6 d’entre eux. Elle a récemment publié Meathooked : The History and Science of Our 2.5-Million-Year Obsession With Meat chez Basic Books. Marta vit actuellement en France.

Du bout des lettres : Pouvez-vous nous dire un mot de votre parcours et de votre rapport à l’écriture?

Marta ZaraskaMarta Zaraska : J’ai su que je voulais écrire dès l’âge de cinq ans. Les sciences m’intéressaient aussi beaucoup : l’environnement, la biologie, la chimie. J’ai même contacté un éditeur quand j’avais environ neuf ans (mes parents n’étaient pas au courant, autrement, je suis presque sûre qu’ils m’en auraient dissuadée). L’éditeur a refusé ma proposition, bien évidemment, mais il a été très gentil.

Par la suite, je me suis un peu éloignée de ce désir d’écrire : j’ai étudié le droit dans l’idée de devenir avocate, mais je n’ai jamais aimé ça. En parallèle de mes études, j’ai toujours travaillé pour plusieurs journaux et revues et j’ai décroché un poste de reporter au plus grand quotidien de Pologne. J’étais chargée des affaires étrangères. J’ai adoré. J’ai été envoyée au Rwanda, au Cameroun, en République démocratique du Congo ; j’ai interviewé des rebelles somaliens, des représentants du gouvernement soudanais, etc. Mes parents, eux, n’étaient pas aussi enthousiastes. Parfois, je ne leur disais même pas où j’allais. Ils se seraient fait trop de souci. Cependant, c’est très difficile d’écrire dans ce domaine et j’ai progressivement dévié vers le journalisme scientifique (mon autre passion). J’ai déménagé au Canada avec mon mari et me suis lancée en indépendante. Continue reading

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« Le livre avant tout » : entretien avec Fanny Wallendorf, traductrice de Carver et Cassady (2/2)

Fanny Wallendorf est écrivain et traductrice. Elle a notamment traduit un recueil d’entretiens avec Raymond Carver (Grandir et Durer, Conversations with Raymond Carver, Diabase, 2014) et la correspondance de Neal Cassady (Un truc très beau qui contient tout, Finitude, 2014 et Dingue de la vie & de toi & de tout, Finitude, 2015). Elle signe aussi la traduction de Mister Alabama, de Philipp Quinn Morris, à paraître en octobre 2016 chez Finitude.

{La première partie de l’entretien est disponible ici}

Le traducteur est reconnu officiellement en France comme un auteur, et sa traduction est un véritable travail de création. Si bien qu’il est parfois difficile de distinguer le travail de traduction du travail d’« écriture personnelle ». Il faut souvent recourir à des expressions un peu alambiquées pour les distinguer. Selon toi, cette distinction est-elle pertinente ? Tu fais par exemple preuve d’une exigence tout aussi forte dans la traduction que dans l’écriture. Qu’est-ce qui diffère alors dans ton travail de l’une à l’autre ?

Je ne pense pas que le traducteur soit reconnu comme un auteur, loin de là. Je pense que l’exercice de la traduction reste méconnu. Heureusement, certains grands traducteurs nous permettent de lire un peu à ce sujet. L’écriture, processus énigmatique s’il en est, ne peut probablement être abordée que par ce biais. Sinon c’est trop difficile, voire pas souhaitable.

Si l’on s’en tient au premier degré de perception des choses, on pense que dans la traduction on a à rendre quelque chose de visible, de « déjà-là », et que dans la « fiction » il s’agit d’arracher quelque chose à l’invisible. Pour ma part, il s’agit à chaque fois d’atteindre l’état qui permet de rendre une énergie, dans toutes les composantes de sa singularité. Dans les deux cas, cette énergie est comme indépendante de moi. Continue reading

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« Le livre avant tout » : entretien avec Fanny Wallendorf, traductrice de Carver et Cassady (1/2)

Fanny Wallendorf est écrivain et traductrice. Elle a notamment traduit un recueil d’entretiens avec Raymond Carver (Grandir et Durer, Conversations with Raymond Carver, Diabase, 2014) et la correspondance de Neal Cassady (Un truc très beau qui contient tout, Finitude, 2014 et Dingue de la vie & de toi & de tout, Finitude, 2015). Elle signe aussi la traduction de Mister Alabama, de Philipp Quinn Morris, à paraître en octobre 2016 chez Finitude.

Fanny Wallendorf, traductrice de Carver et CassadyOn te connaît avant tout pour ton travail de traductrice, mais tu es aussi écrivain. Personnellement, quel(s) terme(s) emploies-tu pour te qualifier ? (Écrivain, traductrice, écrivain-traductrice, traductrice-écrivain…)

S’il fallait me qualifier, je dirais que je suis quelqu’un qui consacre ses journées à écrire.

J’ai écrit pendant une quinzaine d’années avant de me lancer dans la traduction par hasard. Outre la volonté de faire vivre une œuvre et de rencontrer un auteur de cette façon unique, j’ai pensé que la traduction m’apprendrait des choses. Qu’elle serait une sorte de maître qui m’imposerait de ne pas fuir certains problèmes que pose l’écriture, devant lesquels je me défilais ou me sentais dans l’impasse. Je ne savais pas dans quelle grande et belle aventure je m’engageais, et à quel point l’apprentissage serait sévère ! Aujourd’hui, je n’imagine pas ne pas traduire. J’en éprouve à la fois le besoin et le désir. J’ai beaucoup de projets, dont la plupart seront difficilement réalisables, notamment à cause du chemin de croix que peut représenter l’acquisition des droits d’une œuvre.

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Maylis de Kerangal – une écriture nomade

mdkColloque international organisé par Mathilde Bonazzi, Cécile Narjoux et Isabelle Serça

Les 9 et 10 octobre à Toulouse et le 12 octobre à Paris

Première manifestation universitaire entièrement consacrée à Maylis de Kerangal, ce colloque nomade se propose d’examiner la place qu’occupe l’auteur dans le paysage littéraire contemporain. Ses romans Naissance d’un pont et Réparer les vivants ont été plébiscités par la presse et récompensés par des prix littéraires, mais on s’intéressera à l’œuvre dans son entier – récits à la première personne, nouvelles, textes brefs, essais…

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Marie Nimier. Absence et perte

nimierLes 7 et 8 juillet prochains se tiendra à l’University of Kent (4 rue de Chevreuse, à Paris) un colloque sur l’œuvre de Marie Nimier, organisé par Ana de Medeiros et Carine Fréville. Pour découvrir le programme (qui s’annonce passionnant), cliquez [ici]. Un entretien avec l’auteure est prévue le deuxième jour à 14h30.

L’œuvre littéraire de Marie Nimier comprend à ce jour plus de vingt volumes. Elle se compose d’expérimentations dans les domaines de la fiction, de l’autofiction, de la littérature pour la jeunesse, du théâtre et des paroles de chansons, et a reçu plusieurs prix prestigieux, tel le Prix Médicis en 2004 pour La Reine du silence. Son texte le plus récent, Je suis un homme, a été extrêmement bien accueilli par la critique et largement commenté. Il a donné lieu à un débat particulièrement animé dans l’Hexagone au sujet de son exploration du genre et de la sexualité. Toutefois, il continue la réflexion de longue date de l’auteure sur les thèmes intrinsèquement liés de l’absence et de la perte.

Marie Nimier a écrit une douzaine de romans publiés chez Gallimard et largement traduits dans le monde entier, dont Sirène en 1985 (couronné par l’Académie française et la Société des Gens de Lettres), puis La Girafe, Anatomie d’un chœur, L’Hypnotisme à la portée de tous, La Caresse, Celui qui court derrière l’oiseau, Domino (prix Printemps du roman), La Nouvelle pornographie, La Reine du Silence (Prix Médicis 2004), Les Inséparables (Prix Georges Brassens et Prix des Lycéens d’Evreux) et Photo-Photo. Son dernier romanJe suis un homme, est sorti en janvier 2013, toujours aux éditions Gallimard.

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