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Une part de ciel, de Claudie Gallay

En attendant Curtil

Il y a quelques semaines, je découvrais dans ma boîte aux lettres un lourd paquet. Une part de ciel, de Claudie Gallay (Actes Sud). Bien bel objet que ce livre, impressionnant peut-être aussi, de part son épaisseur. Mais il capte l’oeil et le séduit, grâce à ce rouge chaleureux, omniprésent dans ce décor enneigé (la teinture faite avec les coccinelles, une robe, un manteau, une pièce de puzzle…), ce contraste avec le blanc glacé.

Je caresse le papier crème, fais glisser les pages. Le texte est aéré, comme grignoté, strié de dialogues. Toujours ceux du présent, de l’ici et maintenant. Ceux de l’attente aussi. De cette attente à laquelle Carole aura bien du mal à se faire. De cette attente interminable du père qui n’est pas sans évoquer Beckett :

« — Qu’est-ce qu’on fait ? j’ai demandé.
— Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ?
— On l’attend, a dit Gaby. »
 

Dans cette attente, le temps qui passe se rappelle sans cesse à la mémoire, par les dates en tête de chapitre, sept semaines de sept jours, par une multitude d’horloges dont certaines sont arrêtées (dans la boutique du vieux Sam), voire amputées (celle de la gare). Au Val-des-Seuls, le temps s’écoule différemment, se fait menaçant parfois, se suspend surtout. Là, l’écriture de Claudie Gallay fait tout. Des phrases courtes, descriptives. Un travail sur le détail. Sur l’ambiance. Sur le rythme. Continue reading

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Rencontre avec C. Pujade-Renaud : « Une Histoire de femmes »

Jeudi 28 novembre 2013
à 14h30

« Une Histoire de femmes »

Née en 1932, Claude Pujade-Renaud est une romancière et nouvelliste française qui a longtemps pratiqué et enseigné la danse.
Codirectrice de la revue Nouvelles Nouvelles de 1985 à 1992, elle a publié cinq recueils de nouvelles et plus d’une dizaine de romans dont certains ont été distingués par des prix littéraires. Elle a reçu le Goncourt des Lycéens pour Belle mère en 1994 et le prix de l’écrit intime pour Le Sas de l’absence en 1998. À l’occasion de la sortie de Chers Disparus, la Société des gens de lettres lui a décerné le grand prix Poncetton pour l’ensemble de son oeuvre où les thèmes du deuil, de la mémoire, de la création et de la féminité reviennent constamment.
Avec Dans l’ombre de la lumière (publié chez Actes Sud en janvier 2013), Claude Pujade-Renaud ressuscite une femme oubliée par l’Histoire : la concubine de saint Augustin. L’ouvrage a été récompensé par le prix du roman historique le 11 octobre 2013.

Entrée libre et gratuite.

Rencontre proposée par Sylvie Vignes et animée par les étudiants du Master Métiers de l’écriture et de la création littéraire, Département de Lettres modernes.

Librairie Etudes Mirail La Fabrique
Université Toulouse II-le Mirail – 5 allées Antonio Machado – 31058 Toulouse

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La langue la plus difficile…

… n’est pas celle que vous croyez !

Je suis tombée il y a quelque temps sur cet article intitulé « Hardest Language to Learn ». Je dois dire qu’il m’a plutôt mise de méchante humeur.

Selon son auteur, les gens du web ne forment qu’un vaste troupeau de montons, reprenant ad nauseam les idioties racontées par les universitaires concernant la difficulté des langues sans même vérifier les faits (je caricature à peine). Pauvres idiots que nous sommes, les langues asiatiques, une fois dépouillées de leur système d’écriture, sont bêtes comme chou et c’est sans parti pris aucun, bien entendu, et avec une objectivité à toute épreuve (un algorithme tarabiscoté de sa propre composition) que l’auteur établit un classement des langues selon leur niveau de difficulté et décerne la couronne au polonais. La preuve ultime : sa fille, qui est bilingue, trouve que l’anglais est beaucoup plus facile que le polonais.

[RETROUVEZ MON PROPRE CLASSEMENT EN FIN D’ARTICLE. LA LANGUE LA PLUS DIFFICILE N’EST PEUT-ÊTRE PAS CELLE QUE VOUS CROYEZ]

 

Morceaux choisis :

« Languages that have under one million native speakers, even through humanistically important on equal par with all other languages, are too remote or inaccessible for any real life learning. »

« Les langues comptant moins d’un million de locuteurs natifs — bien qu’aussi importantes d’un point de vue humain que toute autre langue — sont trop isolées et inaccessibles pour qu’on les apprenne dans la vraie vie. »

Bien sûr ! N’apprenons que l’anglais, le français, l’espagnol ou l’allemand. Non, mieux, n’apprenons que le polonais. Laissons donc mourir toutes ces langues inaccessibles que personne ne parle. Après tout, ce n’est pas comme si internet amenait le monde à notre porte…

« Lets be real language has nothing to do with a book, only the tongue and ear. Therefore when FSI or any other person assets Chinese or Asian languages are hard, they are not if you strip away the crazy characters to a non-Asian person. »

« Soyons réalistes, les langues n’ont rien à voir avec les livres, mais seulement avec la langue et l’oreille. Donc quand l’Institut du service extérieur ou n’importe qui d’autre affirme que le chinois ou que les langues asiatiques en général sont difficiles, elles ne le sont pas si vous vous débarrassez de ces caractères qui semblent complètement démentiels à une personne non asiatique. »

En dehors du fait qu’apprendre une langue asiatique sans vous intéresser à son système d’écriture ne fera de vous ni plus ni moins qu’un illettré dans le pays, il me semble tout de même contestable de mettre de côté un volet aussi important de la langue dans son apprentissage de celle-ci. Surtout dans notre société actuelle où une très large part de la communication passe par l’écrit. De plus, je pense que cela dépend aussi des objectifs de chacun. Certaines personnes apprennent une langue étrangère pour le plaisir de lire leur auteur préféré en langue originale par exemple. Si vous êtes fan de Murakami, vous aurez du mal à faire sans les kanji.

« The scope of this article can not be comprehensive because the proliferation of languages, for example, I need a follow up to cover, Turkish, Greek, Armenia, Georgian etc. When writing you have to make choices to make a point rather than cover ever detail. »

« Cet article ne peut être exhaustif en raison du nombre important des langues. Par exemple, il faudrait que je complète avec le turc, le grec, l’arménien, le géorgien, etc. Quand on écrit, il faut faire des choix afin de faire passer une idée plutôt que de tenir compte de chaque détail. »

Les locuteurs turcs, grecs, arméniens, géorgiens et tous les autres oubliés seront ravis d’apprendre qu’ils font partie des détails. Plus sérieusement, si l’objectif de cet article était de dresser un classement des langues de plus d’un million de locuteurs selon leur difficulté, il semble assez peu rigoureux de ne faire figurer que 16 d’entre elles. Le véritable but de cet article semble alors bien plutôt d’établir la suprême difficulté du polonais et d’en retirer une sortie de fierté, voire même d’arrogance. Ce que semble confirmer le titre du paragraphe suivant : « Back to Polish – the trophy winner »

C’est quelque chose que j’ai déjà pu observer et que je n’arrive pas à comprendre. Pourquoi se gargariser de fierté en prétendant parler « la » langue la plus difficile ? Quel intérêt ? Personnellement, ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir communiquer dans une langue que j’aime. Peu importe qu’elle soit réputée facile ou bien qu’elle remporte le trophée de la difficulté.

 

Du classement des langues

Je me suis déjà trop étendue sur cet article qui me hérisse le poil. Mais il y a une chose sur laquelle je voudrais insister. Pourquoi voit-on fleurir tant de billets de blog sur le sujet ? Pourquoi multiplie-t-on les classements — ceux sur les langues les plus difficiles, mais pas seulement : les langues les plus utiles, les langues les plus importantes, les langues qui permettent le plus facilement de trouver du boulot, etc. ? Au final, toutes ces listes ne font que nous dicter quelles langues nous devrions apprendre. Or je crois sincèrement que baser son choix d’apprendre une langue étrangère sur tel ou tel classement nécessairement partial aussi bien que partiel est une erreur.

Faire son choix d’après des critères économiques, professionnels et même grammaticaux, c’est, selon moi, passer à côté de l’aspect quasi biologique de l’apprentissage d’une langue. Apprendre une langue étrangère, c’est un peu modifier son ADN. C’est ajouter dans sa penderie une nouvelle tenue qui influe sur votre personnalité, une tenue qui fait ressortir certains de vos traits particuliers et en atténue d’autre, une tenue que l’on pourrait revêtir à sa guise. Apprendre une langue étrangère, c’est aussi accepter de décaler son regard, c’est être prêt à se plonger dans une nouvelle culture. Apprendre une langue étrangère, l’air de rien, ça peut changer votre vie.

Alors il serait dommage, je crois, de fausser cette expérience parce que « le norvégien, c’est trop compliqué » ou que « le chinois est indispensable pour se lancer dans les affaires ».

Voici mon classement des langues les plus difficiles :

Hyper difficile

La langue la plus difficile de toutes est celle que l’on n’a pas choisie, pour laquelle on n’éprouve pas d’intérêt particulier (voire même une éventuelle répulsion) et que, pire encore, on apprend par contrainte (le plus souvent scolaire ou professionnelle) et, en quelque sorte, malgré soi.

Pour moi, ce fut le latin. Longtemps, je n’en ai pas vu l’intérêt. À quoi bon apprendre une langue morte que personne ne parle ? Et puis une langue même pas drôle : on n’apprend même pas un autre alphabet ! J’ai réussi à l’esquiver jusqu’en khâgne (en optant à la place pour le grec ancien). Je me suis alors retrouvée à apprendre les déclinaisons, à faire de laborieuses versions, à m’écorcher les doigts à trop feuilleter le dictionnaire. On ne travaillait même pas l’étymologie, ce qui pourtant aurait pu être très intéressant pour enrichir mon français. Je faisais un vrai blocage sur cette langue, à tel point qu’aujourd’hui, il ne m’en reste que : rosa, rosa, rosam.

Relativement difficile

Une langue relativement difficile va être une langue dont on perçoit l’utilité mais qui n’éveille aucun sentiment positif, aucune appétence particulière.

Étonnamment, pour moi, ce fut l’anglais. Car j’ai passé des années à l’apprendre à l’école d’une manière vraiment contraignante et rébarbative. Au départ, je n’avais pas non plus d’affection particulière pour cette langue (ce qui a changé depuis), mais j’y voyais un intérêt pratique (voyager, opportunités professionnelles). J’ai donc au départ appris l’anglais car je me disais qu’il me serait utile plus que par véritable intérêt.

Assez difficile

Il sera assez difficile d’apprendre une langue, même si on aime beaucoup celle-ci, sans ce qu’on appelle dans le jargon du développement personnel un objectif SMART (spécifique, mesurable, accessible, réaliste, temporellement défini).

C’est ce qui a fini par me manquer dans mon apprentissage du japonais. Je l’apprenais par pur plaisir et par amour de cette langue. Mais il s’est révélé difficile d’apprendre des dizaines de kanji par semaines sans réel objectif derrière, sans une ligne directrice dans la pratique.

Plutôt facile 

Une langue plutôt facile à apprendre est une langue pour laquelle on éprouve un intérêt sincère et que l’on intègre dans un projet.

Dans mon cas, c’est le suédois. J’ai choisi cette langue un peu par hasard au départ, par envie de nouveauté, mais je suis me suis rapidement laissée séduire. Aujourd’hui, je voudrais aller m’installer au moins quelques années dans le pays et, à moyen ou long terme, selon mes progrès, en faire une de mes langues de travail en traduction.

Piece of cake 

Je pense qu’aucune langue n’est facile à ce point. Il faut être réaliste, apprendre une langue demande du travail, de la régularité, de la motivation, du temps… Cela ne se fait pas en un jour. Mais disons que la langue la plus facile à apprendre sera celle que vous aimez sincèrement (pour ses sonorités, pour la culture qu’elle véhicule, pour la façon dont elle se déploie dans votre bouche), pour laquelle vous avez des objectifs clairs, du temps à y consacrer et surtout la motivation (communiquer avec l’être aimé dont c’est la langue maternelle, préparer un voyage ou même partir vivre dans le pays de vos rêves…). Je crois que plus la dimension affective est sollicitée et plus la langue sera facile à apprendre.

La langue que j’ai eu le plus de facilité à apprendre jusqu’ici est le hindi. C’est la première langue que j’ai choisie moi-même d’apprendre. Auparavant, l’anglais, l’espagnol, le latin m’avaient été plus ou moins imposés. Le hindi, c’était donc un coup de cœur et une découverte. Une folle ouverture des possibles. J’étais séduite par son système graphique, que je trouve l’un des plus beaux au monde : l’écriture devanagari, avec ses lettres suspendues à leur fil comme des pinces à linge, laissant à l’esprit tout le loisir d’imaginer ce qui se cache derrière les grands voilages qu’elles soutiennent. J’étais charmée par ses sonorités, j’écoutais jusqu’au vertige des chansons de Bollywood et les airs tournoyaient encore dans ma tête bien des heures après cela. Après quelque temps, je me suis inscrite en licence de hindi. Cela me donnait un objectif clair et surtout dégageait tout mon temps pour le consacrer à cette langue. Autant dire que je me suis régalée.

Pour savoir quelle est la langue la plus difficile ou la plus facile, les critères ne sont finalement pas ceux que l’on pense. Point question de système d’écriture complexe (pour moi, c’est plus une motivation qu’un frein !), de proximité avec sa propre langue maternelle, de nombres de cas… Bien sûr, tout cela peut jouer sur le temps d’apprentissage jusqu’à la maîtrise de cette langue. Mais je pense que d’autres critères de choix sont bien plus importants et c’est avant tout de vous dont ils dépendent.

Quelles sont pour vous les langues les plus difficiles et, surtout, les plus faciles ?

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