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Labo de l’Écriture – Day 2 : Légèreté

 Voilà, les personnages sont posés, le décor est planté.

Il est 9h50. Je marche au radar sur le boulevard Haussmann, le nez plongé dans « Lettres à D. » que j’ai emprunté parmi le monticule de livres qui siège sur notre table de travail. Arrivée au 14, je relève enfin la tête. Deux de mes camarades laborantins sont là. On se salue, on discute. Puis le mouvement s’amorce.

On dégaine les badges, on marche droit vers l’ascenseur. Comme si nous étions chez nous. Car cette salle vitrée est devenue notre seconde maison. Notre cocon. Toute la ruche bourdonnante autour de nous est comme oblitérée dès que la porte se referme. Et le temps de la « vraie vie » disparaît. Nous pénétrons un autre temps. Autonome. Comme une respiration retenue.

Dans cette salle vitrée, le monde extérieur n’existe plus.

*

10h. La séance commence et Bruno Tessarech se met à nous parler de quelque chose d’important, de sérieux. D’à la fois un peu douloureux et extrêmement libérateur :

« Un éditeur a le pouvoir de faire de vous un auteur, un « professionnel ». Mais il n’aura jamais le pouvoir de faire de vous un écrivain. Ça, ça ne dépend que de vous. L’un des premiers signes de l’écrivain, c’est qu’il ne se décourage pas devant les refus. Il continue à écrire. Alors protégez-vous, blindez-vous. Ne leur donnez pas plus de pouvoir qu’ils n’en ont. EMMERDEZ-LES ! Les plus grands auteurs du XXe siècle ont tous été refusés. »

*

Ce matin, nous abordons ce qui fait un roman. Les ingrédients nécessaires à toute œuvre de fiction : des personnages, une histoire, une voix, des conflits et des « évidences invisibles »… Tout cela s’annonce délicieux. Mais avec cela comment procéder ? Dans quel ordre ? Cette question qui nous taraude, la revoilà sur le tapis : comment commencer ?

Nous tombons tous d’accord sur ce qui semble au départ un peu paradoxal : il faut savoir où l’on va tout en laissant de la place pour la surprise, l’évolution, le changement, les retours et les détours. Mais finalement, il n’y a pas vraiment contradiction, car si l’on doit savoir où l’on va, c’est aussi pour pouvoir « choisir de ne pas y aller ».

À partir de là, on rencontre deux écoles : ceux qui commencent par un synopsis, par construire leur histoire. On est ici dans un schéma plutôt linéaire. Puis il y a ceux qui commencent par apprendre à connaître leurs personnages. C’est ce que nous recommande Bruno. En travaillant ainsi, on n’est pas obligé de partir en ligne droite sur une histoire déjà tracée, de commencer par le début (ce qui est loin d’être facile et peut se révéler assez angoissant). On peut se concentrer sur une image forte, une scène que l’on a en tête, une « certitude » comme l’énonce justement l’une des participantes, et de là, faire irradier ce cœur, cet élément central.

*

C’est drôle, n’empêche. Hier, nous avons été comme précipités dans l’écriture. En dépit, ou plutôt à cause, de nos tracs, de nos angoisses et appréhensions. Aujourd’hui, c’est l’inverse. L’envie d’écrire nous taraude, mais notre maestro fait durer le plaisir. Il nous tient en haleine pendant deux heures avant qu’un seul mot ne soit couché sur le papier.

« Allez, on prend quinze minutes de pause et après, vous aurez une heure. »

*

12h05. Nous sommes seuls, livrés à nous-mêmes. Bruno, Dorothée, nos hommes-objectifs sont tous partis on ne sait où. Nos sommes seuls, livrés à nous-mêmes, face à nos blocs de papier, nos cahiers d’écoliers ou nos écrans. Seuls face à nous-mêmes, à nos personnages, à notre histoire. Pourtant, on ne sent plus la pression de la veille, ce trac lourd et latent. Certaines appréhensions demeurent mais la magie opère. On se sent à notre place, on se sent léger.

Ça gratte, ça pianote, ça rêvasse. Une heure, c’est à la fois très long et très court. Ici, nous sommes hors du temps.

« Au fur et à mesure qu’on écrit, on crée du temps interne à notre histoire. Écrire un roman, c’est créer du temps » nous disait Bruno quelques minutes auparavant.

Alors dans notre salle vitrée, où le cliché de notre studieuse application exigerait le tic tac d’un réveil résolument absent, je me demande : de quel roman sommes-nous les personnages ?

*

Le conseil du jour :

On n’est pas obligé de commencer une histoire par le début. On peut tout aussi bien partir d’une image, d’une scène forte que l’on a en tête. On peut choisir d’« écrire le passage d’un livre qui n’existe pas encore ».

Mais il est alors important d’apprendre à bien connaître ses personnages. Il faut en savoir plus sur eux que ce dont on a besoin pour raconter notre histoire. En plus du confort d’écriture que cela procure, c’est aussi cela qui leur donne de la chair, qui les humanise : quand ils ont plus dans la tête que ce qu’on sait d’eux.

La citation du jour :

« Le défi de la littérature est de nous faire croire que ce que nous lisons est aussi vrai que le vrai. »

Bonus :

10 conseils d’Hemingway aux jeunes écrivains

Soyez amoureux.
Crevez-vous à écrire.
Regardez le monde et mêlez-vous étroitement à la vie.
Fréquentez les écrivains du bâtiment.
Ne perdez pas votre temps.
Ecoutez la musique et regardez la peinture.
Lisez sans cesse.
Ne cherchez pas à vous expliquer.
Ecoutez votre bon plaisir.
Taisez-vous. La parole tue le sens créateur.

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Le Labo de l’Écriture est une initiative de la Fondation Bouygues Telecom (en partenariat cette année avec Evene.fr – Le Figaro) qui s’est donné pour mission de promouvoir la langue française, d’encourager la création littéraire et d’accompagner les aspirants auteurs.

Plus d’information sur le site Les Nouveaux Talents.

Le Labo vu par [Sophie]

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