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Paperasseries avignonnaises : 2 bonnes adresses

Lors d’un court séjour à Avignon, j’ai découvert deux adresses plutôt confidentielles qui devraient ravir les papivores…

Cami-Li, librairie-salon de thé

Cami-Li librairie salon de thé

Cami-Li est une adorable librairie-salon de thé comme il en fleurit un peu partout depuis quelques années. Mais son originalité tient au fait qu’elle est spécialisée dans les livres en anglais et d’occasion. On prend plaisir à flâner parmi les rayonnages colorés et les feuillets surannés dans un décor douillet et chaleureux : vieilles pierres, poutres apparentes, carrelage à l’ancienne et plantes vertes. Mieux vaut venir l’esprit à la découverte et à l’inattendu plutôt qu’avec un titre précis en tête. J’ai ainsi mis la main sur une édition américaine de Madame Bovary datant de 1957 et préfacée par le traducteur Francis Steegmuller. Petit bijou bleu et or. À la carte gourmande : thé floraux et jus de fruits bio. Et à l’entrée, une étagère où piocher gratuitement sa prochaine lecture.

Cami-Li librairie salon de thé

Cami-Li

155 rue de la Carreterie, Avignon

04 90 27 38 50

Du mardi au samedi, de 12h à 19h

Atelier Yvan, boutique de carnets d’antan

À quelques pas, l’atelier Yvan se dissimule derrière une façade anonyme. On y est accueilli par Jeff et ses chiens aux airs de peluches. Sympathique et visiblement passionné, ce relieur-doreur se prête volontiers à la conversation et dévoile les secrets de son art. Ce sont ses magnifiques carnets aux couvertures de papier marbré en devanture qui ont attiré mon regard. Que des modèles uniques, pour offrir ou se faire plaisir.

Atelier Yvan carnetsAtelier Yvan

97 rue de la Carreterie, Avignon.

04 90 82 64 84

 

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Rodolphe Barry à Toulouse

Logo Terra Nova

RENCONTRE AVEC RODOLPHE BARRY

autour de son livre Devenir Carver aux éditions Finitude

Jeudi 17 avril 2014

à 19h

Rencontre proposée par la librairie Terra Nova et animée par les étudiants du master Métiers de l’écriture et de la création littéraire de l’université Toulouse II-Le Mirail (Julie Bonnet, Catherine Derieux, Tiffanie Gabu et Nicholas Newth).

couvertureIl aura vécu intensément. Enfance heureuse, adolescence agitée, marié trop jeune, père à tout juste dix-neuf ans, il a connu la précarité, les galères et les frustrations, l’alcool et la descente aux enfers. On aurait déjà pu en faire un roman.

Puis il est mort une première fois, ou presque, à quarante ans – exit « Mister Whiskey » auteur contrarié et mari impossible –, pour renaître et mener une nouvelle vie. Une vie vouée à tirer les leçons du passé, à s’élever, à aimer « tout ce qui le grandit ». À devenir Carver, un des plus grands écrivains américains.

Lorsque Rodolphe Barry évoque Raymond Carver, nous entendons sa voix feutrée, nous sentons sa présence sobre et puissante. C’est une descente au fond du cœur de Ray.

Rodolphe Barry est né en 1969. Après des études de Lettres et de Cinéma, il séjourne trois ans en Nouvelle-Calédonie où il exerce divers petits boulots et écrit un essai, Rencontres avec Charles Juliet (La Passe du Vent). Il réalise aussi Libre le chemin, un film consacré à la vie et à l’œuvre de Charles Juliet, et publie un recueil de nouvelles : Entre les rounds.

 

Entrée libre

Librairie Terra Nova, 18 rue Gambetta, 31000 TOULOUSE

Avec le soutien de la Maison des écrivains et de la littérature

logo Miraillogo-mel-noir

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Rencontre avec C. Pujade-Renaud : « Une Histoire de femmes »

Jeudi 28 novembre 2013
à 14h30

« Une Histoire de femmes »

Née en 1932, Claude Pujade-Renaud est une romancière et nouvelliste française qui a longtemps pratiqué et enseigné la danse.
Codirectrice de la revue Nouvelles Nouvelles de 1985 à 1992, elle a publié cinq recueils de nouvelles et plus d’une dizaine de romans dont certains ont été distingués par des prix littéraires. Elle a reçu le Goncourt des Lycéens pour Belle mère en 1994 et le prix de l’écrit intime pour Le Sas de l’absence en 1998. À l’occasion de la sortie de Chers Disparus, la Société des gens de lettres lui a décerné le grand prix Poncetton pour l’ensemble de son oeuvre où les thèmes du deuil, de la mémoire, de la création et de la féminité reviennent constamment.
Avec Dans l’ombre de la lumière (publié chez Actes Sud en janvier 2013), Claude Pujade-Renaud ressuscite une femme oubliée par l’Histoire : la concubine de saint Augustin. L’ouvrage a été récompensé par le prix du roman historique le 11 octobre 2013.

Entrée libre et gratuite.

Rencontre proposée par Sylvie Vignes et animée par les étudiants du Master Métiers de l’écriture et de la création littéraire, Département de Lettres modernes.

Librairie Etudes Mirail La Fabrique
Université Toulouse II-le Mirail – 5 allées Antonio Machado – 31058 Toulouse

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Un dimanche avec Sylvie Germain (4/4)

Le 3 novembre, Sylvie Germain était à la librairie Ombres Blanches. Suite d’une esquisse de compte-rendu. Lire la première partie [ici], la deuxième [là] et la troisième [par là].

L’écriture mentale

On l’a compris, Sylvie Germain n’écrit pas à partir d’un plan, mais « découvre les livres en les écrivant ». Alors, sur la mort de l’une des sœurs jumelles de Petites scènes capitales, elle déclare : « J’ai été très surprise ! Et très triste, c’était l’un de mes personnages préférés. D’ailleurs, mon compagnon ne comprend pas quand je lui dis que je suis triste, qu’un de mes personnages vient de mourir. Il me répond ”Bah, fais-le revivre !” »

Et malgré cette découverte progressive de l’histoire, lorsqu’on lui demande comment elle retravaille ses textes, une fois le premier jet sur le papier, une fois trouvé le fin mot de l’histoire, la voilà qui s’exclame « Mais je ne retravaille jamais mes textes ! » Voilà qui a de quoi surprendre, éveiller la suspicion même. Et pourtant, à l’écouter, on parvient peut-être tout de même à saisir, à percevoir les lignes, les ombres qui se cachent derrière cette déclaration. Si elle ne sait pas où elle va, Sylvie Germain peut en revanche attendre des heures que quelque chose se déclenche, d’avoir quelque chose à poser sur le papier, sur ces « brouillons informes » qu’elle tapera une fois et une seule à l’ordinateur, incapable selon elle, contrairement à d’autres, de « se forcer à écrire des pages », de faire autrement qu’attendre que « ça » vienne, incapable aussi de produire plusieurs versions d’un même texte. Non, Sylvie Germain travaille au fur et à mesure, mentalement. Et quand elle répète ces mots, « le travail se fait en amont, c’est un travail mental, qui se fait au fur et à mesure, je ne relis pas l’ensemble, seulement ce que j’ai fait la veille », quand elle tente d’expliquer, plusieurs fois, de différentes façons, on imagine alors ce travail mental, ce lancinement, ce ressassement et l’on perçoit alors, peut-être, un peu, que cette phrase presque déjà définitive une fois écrite, cette phrase pourtant si travaillée, précise, on perçoit que cette phrase-là a longtemps mûri, grandi, s’est déployée dans cette « fabrique de l’imaginaire » avant de faire son chemin sur le papier.

Mais le travail avec le lecteur alors ? Car Sylvie Germain mentionnait que Pontalis n’avait reçu les manuscrits pour L’un et l’autre que finis, que c’était Roger Grenier son lecteur. Quelle place a-t-il alors, ce lecteur, face à ce texte qui n’est pas retravaillé ? Avec lui, Sylvie Germain discute, il lui indique de petites choses parfois, « pointe certains détails, une répétition, une maladresse ». Mais jamais Roger Grenier n’a « fait intrusion dans le texte, demandé de tout reprendre. Ma nouvelle lectrice (chez Albin Michel) me fait beaucoup plus de réflexions. Mais ce sont toujours des suggestions. D’ailleurs, il y en a une bonne moitié que je gomme, de quoi elle se mêle, pas contente ». Pourtant, elle reconnaît que l’avis de ce premier lecteur est très important. Admet que l’on a parfois des doutes sur un passage, une scène. Que l’on sait au fond de soi qu’il y a là une faiblesse. Et lorsque ce précieux lecteur vient pointer cet endroit précis, on sait alors qu’il n’y a plus à hésiter, qu’il ne faut plus reculer. Mais la voilà qui revient sur cette écriture en amont, mentale. Et conclut, énigme : « Le crâne, c’est la grotte de Lascaux ».

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Un dimanche avec Sylvie Germain (3/4)

Le 3 novembre, Sylvie Germain était à la librairie Ombres Blanches. Suite d’une esquisse de compte-rendu. Lire la première partie [ici] et la deuxième [là].

Mise en arrêt

Les Petites scènes capitales de Sylvie Germain, ce sont des scènes tragiques, dramatiques. Mais aussi « des scènes en apparence assez anodines, mais où, soudain, notre attention est requise, on est frappé, on est mis en arrêt ». Des scènes souvent courtes, « décrites sur un mode presque sensoriel ». Notre grand malheur, selon l’auteure, c’est notre incapacité à nous accorder le temps de nous étonner, de pouvoir « nous arrêter sur des trois fois riens », c’est de ne pas donner sa place au pouvoir de l’imagination et de l’étonnement.

« À force d’être familiers, il y a une usure, une sorte de tain sur notre regard. Puis parfois, un détail fait que, soudain, on voit l’autre sous un nouvel éclairage et c’est comme si on le voyait pour la première fois. Il faut se laisser surprendre par l’autre. Un grain de beauté. Une cicatrice. Un cil. Un battement de paupière particulier. La marque du temps sur la peau. Ces moments-là, c’est réaliser qu’être un vivant, c’est être un mortel. C’est être empoigné de l’intérieur. C’est quelque chose que l’on ne formule pas, mais c’est ce qui nous humanise le plus. » C’est ce qui arrive au personnage de Lili, lorsqu’elle jette un nouveau regard sur sa mère adoptive.

Et c’est cela, les petites scènes capitales : l’illustration de comment, peu à peu, les choses se déplacent. Sur un heurt brutal ou sur un effleurement. Elles font avancer un personnage. Ricochent aussi sur les autres.

Quand on lui parle de « moments très poétiques » dans son roman, de références à Rimbaud et à son Sonnet des voyelles, à Baudelaire et ses Correspondances, Sylvie Germain se rétracte doucement, saisit une opportunité de parler d’autre chose. Revient aux mots : « Le plus difficile, c’est quand on veut être très concret. Décrire des couleurs, des odeurs. J’adore les couleurs. Mais très vite, le vocabulaire devient trop technique. Parler des yeux bleus de Prusse ou vert Véronèse… Et pourtant, cela renvoie à une couleur de façon très précise. Certaines personnes ont des yeux couleur tesson de bouteille ou des yeux couleur de bière. C’est magnifique. Mais dit comme ça, ça ne fait pas chic ! » Ainsi, lorsque le peintre regarde les couleurs de sa palette, les mélanges possibles, l’écrivain fait de même, avec les mots, cherchant dans le vocabulaire ce qu’il y a de plus juste, de plus approchant, prenant pour cela certains détours lorsque nécessaire. « Mais ce n’est pas pour ça que je suis un poète », tranche Sylvie Germain. Et l’autre d’insister. Mais elle est ferme et assurée : « On peut avoir une écriture poétique, ce n’est pas cela qui fait de vous un poète ». Car pour Sylvie Germain, qui tient la poésie en si haute estime qu’elle refuse de s’en attribuer ne serait-ce que l’ombre du mérite, le poète est celui dont chaque phrase même est une petite scène capitale. Celui qui nous rend enfin disponibles à l’étonnement. Celui dont « parfois deux ou trois mots qui ont l’air de rien, posés là comme de petits cailloux, vous mettent en arrêt ».

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Un dimanche avec Sylvie Germain (2/4)

Le 3 novembre, Sylvie Germain était à la librairie Ombres Blanches. Suite d’une esquisse de compte-rendu. Lire la première partie [ici]

Le dernier roman de Sylvie Germain se découpe en 49 chapitres, ou 49 scènes. Quand on lui demande ce que ce chiffre représente, pourquoi pas cinquante, elle s’empresse de répondre qu’il n’y a là aucune symbolique, aucune volonté particulière. À part, peut-être, qu’elle « déteste les chiffres ronds » et a « un faible pour les nombres impairs ».

La fabrique de l’imaginaire

Sylvie Germain rebondit d’ailleurs la question de son interlocuteur et souligne que l’on demande toujours aux auteurs « pourquoi ? », « qu’est-ce que vous vouliez dire ? ». Elle, se défend : « Je ne voulais rien ! » Alors oui, il y a ces auteurs méticuleux qui préparent tout un plan à l’avance, qui s’y tiennent ou non dans l’écriture, mais qui, toujours, partent de ce synopsis détaillé qui les guide. Sylvie Germain, elle, non. Elle, c’est une image floue et persistante qui lui sert de point de départ, quelque chose comme un reste de rêve, quelque chose « qui lancine ». Et elle se lance, sans vraiment savoir où cette image la mènera. La voilà, la « fabrique de l’imaginaire », dont elle parlait un peu plus tôt. Chez Sylvie Germain, « les images appellent les images, les mots appellent les mots », ils ont leurs correspondances, se renvoient les uns aux autres, se font échos, parfois sans que l’écrivain même en ait conscience, maîtrise.

Et l’écriture est ainsi pour Sylvie Germain : « émanation, exhalaison ». Elle réclame de se mettre dans un état de disponibilité, une sorte de rêverie de laquelle l’imprévu surgit. Alors, pour sentir le moment où il faut s’arrêter, finir, il faut être en mesure de se dédoubler, d’opposer à la passion un reste de capacité de raison. Car il est difficile de finir. Si dès le début, on s’impatiente de connaître la fin, arrivé à celle-ci, on voudrait « continuer cette lutte, cette danse, cette aventure. Car écrire est une aventure, et si ça ne l’est plus, ce n’est pas la peine d’écrire. Ou alors on fabrique des livres ». L’écriture en appelle donc aussi à une extrême vigilance. Parmi ces « flux », ces « bouffées d’inspiration » qui vous raptent, il faut éveiller en soi « un scribe grammairien qui surveille, qui veille à la cohérence ». Et qui sache saisir au vol ces images qui surgissent parfois trop vite et fusent. Tout cela n’est pas sans risque, Sylvie Germain le dit : « L’imaginaire, c’est de la dynamite ».

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