Discuter, Écrire, [Divers]

Sandrine Colette : « Pour moi, l’écriture a eu une vertu cathartique »

SONY DSCCoupe courte, billes bleues et sourire franc, Sandrine Collette est une femme dynamique et fort sympathique avec qui on se régale de parler littérature ou chevaux. Après Des noeuds d’acier, un premier roman très remarqué et récompensé par le Grand prix de la littérature policière en 2013, vient de paraître chez Denoël son deuxième polar : Un vent de cendres.

Je l’ai rencontrée lors de sa venue au Salon du livre de Paris grâce aux Nouveaux Talents, l’initiative de mécénat de la fondation Bouygues Telecom qui a à cœur d’accompagner les écrivains de demain.

Comment êtes-vous devenue écrivain ?

L’écriture fait partie de ma vie depuis que j’ai dix ans. J’ai toujours écrit, depuis que je suis gamine. Et dans mon métier, à l’université, on écrit aussi beaucoup : des articles, des thèses, des bouquins. Je ne sais pas si on devient écrivain, mais il y a un jour où on décide de faire un roman et pas autre chose. Pas un livre scientifique, pas un article pour une revue de sciences humaines, mais un vrai roman, tout simplement.

Comment s’est passée la publication de votre premier roman ?

J’ai envoyé mon manuscrit à deux éditeurs, sur conseil. Chez le premier, une amie d’amie m’avait assuré qu’il serait lu. Et puis chez Denoël — qui a pris le livre — sur les conseils d’une autre amie qui travaille dans l’édition, mais dans un secteur très différent. Elle m’avait proposé de le lire et de me conseiller sur les éditeurs qui étaient preneurs de ce genre de texte. D’une manière assez naïve, on a tendance à envoyer son manuscrit partout en se disant : « On verra bien ». Sauf que ça ne fonctionne pas comme ça : on n’envoie pas n’importe quel livre n’importe où. Il faut cibler. Et les conseils d’un professionnel, de quelqu’un de l’intérieur, peuvent beaucoup aider pour cela.

Y a-t-il un conseil d’écriture que vous avez reçu et que vous pourriez transmettre aux écrivains en herbe ?

J’ai reçu un précieux conseil de la part de mon directeur de thèse, qui a priori ne concernait donc pas le roman. Mais je m’en sers tout le temps, y compris dans le roman. Il m’a dit : « Sobre et court. Une phrase, c’est un sujet, un verbe, un complément. Pas de fioritures. » C’est quelque chose que je retranscris complètement dans mon travail et il se trouve que ça fait partie des écritures que j’aime lire chez les autres. Je trouve que c’est un bon conseil.

Avez-vous des rituels d’écriture ?

Aucun ! Je ne suis pas assez vieille dans le « métier » — ça viendra peut-être — pour avoir des rituels. Du moment que j’ai mon ordinateur, je peux écrire n’importe où et à n’importe quelle heure. J’écris presque à temps perdu. Quand il ne fait pas beau, que je ne peux pas être dehors, quand je ne peux pas être avec les chevaux… Dans ces moments-là, je me replie sur l’écriture. Ce n’est pas pour autant par défaut, mais c’est comme ça que l’écriture trouve sa place dans mon agenda assez chargé.

Justement, comment faites-vous pour concilier votre carrière à l’université, vos chevaux et l’écriture ? Comment, au milieu de tout ça, trouvez-vous le temps de finir un roman ?

C’est quelque chose qui prend du temps. Mon premier roman, j’ai eu le temps de l’écrire parce que personne ne l’attendait. Le deuxième en revanche, l’éditeur me le réclamait. J’y ai consacré pas mal de vacances. C’est l’avantage de l’université : on a beaucoup de vacances. Et en septembre, j’ai pris une semaine supplémentaire afin de le boucler complètement. Cela fait environ un an que l’écriture s’est implantée en plus de mes autres activités et l’année derrière, ça a été compliqué ! À un moment donné, il faut faire des choix. J’ai passé moins de temps avec les chevaux, mais ça ne me convenait pas. Donc cette année, j’ai décidé de passer moins de temps à l’université. J’ai pris un congé sans solde, et puis l’avenir, on verra.

Comment procédez-vous pour écrire vos romans ? Êtes-vous du genre à établir un plan détaillé, à rédiger des fiches sur vos personnages ou bien vous laissez-vous plutôt porter par l’écriture ?

Pour commencer un roman, j’ai un point de départ et un point d’arrivée (qui pourra changer). Ça donne une ligne directrice au livre pour éviter de partir dans trop de directions. Mais entre ces deux points-là, il n’y a rien. Je n’écris pas tout de suite, je laisse mûrir. Ça me trotte dans la tête et parfois je note des idées qui vont souvent donner les temps forts ou les rebondissements du livre, les passages un peu plus « hard », un peu plus haut en couleurs. Puis, je me mets à écrire. Éventuellement dans le désordre. Si une scène me semble vraiment super, je peux sauter l’équivalent de quarante pages sur le livre fini pour l’écrire et je reviendrai écrire ces pages manquantes après, en transitions, en liens. Je travaille de manière anachronique, désordonnée. De temps en temps, je vérifie que je n’ai pas déjà écrit ce que je suis en train d’écrire. À la fin, le gros du boulot, c’est de lisser l’ensemble.

Dans votre premier roman, Des nœuds d’acier, Théo, le personnage principal, écrit un journal en disant « maintenant, j’espère que ça ira mieux ». Est-ce que vous pensez que l’écriture puisse être thérapeutique ?

Je ne le pensais pas au départ, mais maintenant que j’ai écrit Des nœuds d’acier, je crois que oui. On met forcément des choses de soi dans tout ce qu’on écrit, que ce soit les paysages, un trait de caractère d’un personnage… Je me rends vraiment compte avec Des nœuds d’acier qu’il y a des traces de choses que j’ai vécues qui étaient difficiles, angoissantes. J’ai fini le livre en me disant « point », comme quand je termine un travail universitaire. Quand il est paru sous sa forme livre, comme un objet distancié, mes proches ont commencé à m’en parler (je ne l’avais pas fait lire du tout avant) et j’ai commencé à le relire un tout petit peu. Je me souviens d’un vrai coup de spleen, un soir, car je me rendais compte d’un coup de toutes ces choses que j’avais mises dedans… Mais ce sont les autres qui m’en ont fait prendre conscience. Je pense qu’il y a toujours de l’autobiographie dans ce qu’on écrit. Pour moi, il y a aussi eu une vertu cathartique.

Dans ce premier roman, tout repose sur la psychologie des personnages. Au niveau de l’écriture, comment avez-vous travaillé afin de garder le lecteur en haleine tout le long du livre ?

C’est une question délicate, car je ne l’ai pas vraiment fait exprès. Je n’ai jamais analysé ma façon d’écrire. La seule chose que je sais, c’est qu’avec mon éditrice, nous avons beaucoup travaillé le rythme du livre. Le manuscrit était plus long au départ et elle m’a donné un conseil vraiment intéressant : il faut compacter, compacter, compacter ! Justement pour que le livre reste tendu. J’ai donc beaucoup coupé. En faisant cela, on se rend compte à quel point on a parfois tendance à meubler.

C’est le « sobre et court » de votre directeur de thèse.

Voilà ! Finalement, tout se recoupe.

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someone
Standard

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *