Le 3 novembre, Sylvie Germain était à la librairie Ombres Blanches. Suite d’une esquisse de compte-rendu. Lire la première partie [ici]
Le dernier roman de Sylvie Germain se découpe en 49 chapitres, ou 49 scènes. Quand on lui demande ce que ce chiffre représente, pourquoi pas cinquante, elle s’empresse de répondre qu’il n’y a là aucune symbolique, aucune volonté particulière. À part, peut-être, qu’elle « déteste les chiffres ronds » et a « un faible pour les nombres impairs ».
La fabrique de l’imaginaire
Sylvie Germain rebondit d’ailleurs la question de son interlocuteur et souligne que l’on demande toujours aux auteurs « pourquoi ? », « qu’est-ce que vous vouliez dire ? ». Elle, se défend : « Je ne voulais rien ! » Alors oui, il y a ces auteurs méticuleux qui préparent tout un plan à l’avance, qui s’y tiennent ou non dans l’écriture, mais qui, toujours, partent de ce synopsis détaillé qui les guide. Sylvie Germain, elle, non. Elle, c’est une image floue et persistante qui lui sert de point de départ, quelque chose comme un reste de rêve, quelque chose « qui lancine ». Et elle se lance, sans vraiment savoir où cette image la mènera. La voilà, la « fabrique de l’imaginaire », dont elle parlait un peu plus tôt. Chez Sylvie Germain, « les images appellent les images, les mots appellent les mots », ils ont leurs correspondances, se renvoient les uns aux autres, se font échos, parfois sans que l’écrivain même en ait conscience, maîtrise.
Et l’écriture est ainsi pour Sylvie Germain : « émanation, exhalaison ». Elle réclame de se mettre dans un état de disponibilité, une sorte de rêverie de laquelle l’imprévu surgit. Alors, pour sentir le moment où il faut s’arrêter, finir, il faut être en mesure de se dédoubler, d’opposer à la passion un reste de capacité de raison. Car il est difficile de finir. Si dès le début, on s’impatiente de connaître la fin, arrivé à celle-ci, on voudrait « continuer cette lutte, cette danse, cette aventure. Car écrire est une aventure, et si ça ne l’est plus, ce n’est pas la peine d’écrire. Ou alors on fabrique des livres ». L’écriture en appelle donc aussi à une extrême vigilance. Parmi ces « flux », ces « bouffées d’inspiration » qui vous raptent, il faut éveiller en soi « un scribe grammairien qui surveille, qui veille à la cohérence ». Et qui sache saisir au vol ces images qui surgissent parfois trop vite et fusent. Tout cela n’est pas sans risque, Sylvie Germain le dit : « L’imaginaire, c’est de la dynamite ».