C’est sur cette plaisanterie très connue que s’ouvre l’ouvrage de Barry Farber, How to learn any language (quickly, easily, inexpensively, enjoyably and on your own). Immédiatement, le ton est donné. Barry Farber s’adresse ici, sur un ton amical et humoristique, aux Américains monolingues qui désirent apprendre une langue étrangère (mais fort heureusement pour nous, amis lecteurs, le livre dépasse largement sa cible). Loin d’être une méthode de langue, How to learn any language est avant tout une méthode pour apprendre une langue, n’importe laquelle, et la nuance est grande !
Publié en 1991, l’ouvrage de Farber reste incroyablement moderne et utile, intemporel même (excepté les brefs passages ayant trait à la technologie, mais chacun saura remettre les conseils de l’auteur au goût du jour selon les outils actuels qui lui sied le mieux). Au moment de la rédaction, Farber avait déjà derrière lui 46 ans d’expérience dans l’apprentissage des langues et était en mesure de s’exprimer dans 25 d’entre elles. Une valeur sûre donc. Et un véritable amoureux des langues qui sait transmettre sa passion, son enthousiasme et, le plus important, sa motivation !
« You don’t launch into the study of a new language casually. But it’s not quite as solemn a decision as an American man proposing to his girlfriend after an evening of wine and light jazz. It is, however, something like an Ottoman sultan deciding to take on another wife. It really is like a marriage. Something in you actually says, “I do!” and you decide to give it time and commitment that would ordinarily be invested elsewhere. » (p29)
« You will fail or you will succeed. If you fail, your books, cassettes, dictionaries, and scattered flash cards will litter your drawers and closets like so many unlifted barbells, unswallowed vitamins, unsoiled workout suits and unused jogging shoes. They will mock you every time your embarrassed eye falls upon them.
Succeed, and you’ll be the proud owner of another language. » (p61)
La méthode :
1) Multiple track attack
Rendez-vous au rayon « Langues étrangères » de votre librairie préférée et préparez-vous à faire un carnage ! Pour appliquer la méthode de Barry Farber, voici ce dont vous aurez besoin : un ouvrage de grammaire, un dictionnaire bilingue de bon niveau, un petit guide de conversation, un journal unilingue dans votre langue cible, des K7 audio (aujourd’hui, vous pourrez opter pour des CD ou autres fichiers mp3, l’auteur recommande notamment la méthode Pimsleur) et, si possible, un livre d’école monolingue dans votre langue cible de niveau 6ème. À cela, ajoutez des flashcards, des pochettes plastiques où les ranger pour les transporter toujours avec vous et un surligneur.
Commencez par étudier les cinq premières leçons de votre livre de grammaire et n’étudiez que ça. Pas le droit de feuilleter votre dictionnaire flambant neuf ni de glisser un œil entre les pages de votre guide de conversation. Cinq leçons de grammaire, tenez-vous-y et vos autres outils deviendront des récompenses, des petits plaisirs.
Une fois vos cinq leçons de grammaire assimilées, vous pouvez prendre votre journal en langue cible, l’ouvrir à la première page et commencer à lire. Surlignez TOUS les mots que vous ne connaissez pas et cherchez-les dans votre dictionnaire. Si vous les trouvez identiques, inscrivez-les sur une flashcard avec leur signification au verso. Sinon, inscrivez-les sur une carte « questions » sur laquelle vous reviendrez plus tard ou lorsque vous aurez l’occasion de questionner un locuteur natif.
Vous pouvez désormais mener de front l’avancée dans la grammaire et la lecture du journal. Vous verrez au fur et à mesure le nombre de mots surlignés diminuer drastiquement et c’est un véritable encouragement. Vous pouvez ensuite vous intéresser au guide de conversation, apprendre des phrases concrètes pour, enfin, parler la langue. Apprenez-les comme un rôle dans une pièce. Cela vous donnera une petite routine de conversation à employer lorsque vous rencontrerez un locuteur de votre langue cible et vous donnera confiance en vous.
Enfin, lancez-vous dans l’écoute de vos K7.
Mon avis : Je trouve juste un peu dommage d’attendre si longtemps avant de se mettre à l’écoute. Mais le décalage est probablement dû à une question de technologie. Aujourd’hui, de nombreuses méthodes de langue sont accompagnées de CDs audio, ce qui n’était pas le cas en 1991 où, il me semble, les K7 étaient le plus souvent dissociées d’un contenu écrit. Autre bémol concernant l’usage du journal : cela marche pour la plupart des langues et offre l’énorme avantage de mettre directement en contact avec la « vraie » langue et non pas les phrases formatées du livre de grammaire. Mais il peut être difficile dans certaines langues utilisant un autre système d’écriture de distinguer la séparation entre les mots…
2) Hidden moments
Vous rendez-vous compte de tout ce temps que nous perdons chaque jour et que nous pourrions consacrer à l’apprentissage d’une nouvelle langue ? Lorsque nous attendons l’ascenseur, faisons la queue au supermarché, à la banque, à La Poste, au guichet d’enregistrement à l’aéroport, pendant que nous nous brossons les dents… Ces précieuses minutes, voire secondes, seront désormais consacrées à réviser vos flashcards. Cinq secondes suffisent à enregistrer un nouveau mot. Alors imaginez cinq secondes dix, vingt fois par jour ! De même, lorsque vous marchez jusqu’à votre travail ou conduisez votre voiture, pourquoi ne pas écouter vos supports audio ?
De manière générale, lorsque vous pouvez lire ou écouter, Farber recommande de lire et de réserver l’écoute pour les moments où vous ne pouvez pas lire (quand vous conduisez par exemple).
D’autres idées : Lorsque vous êtes aux toilettes, sous la douche (fixer une fiche de vocabulaire à l’extérieur de la douche ou dans une pochette plastique), coller des post-its un peu partout dans la maison, mettez votre ordinateur, votre téléphone portable dans la langue que vous apprenez, faites votre liste de course en italien, suédois ou russe…
Et n’oubliez pas : cinq secondes suffisent pour progresser !
3) Harry Lorayne’s magic memory aid
C’est exactement la méthode que s’approprie Benny Lewis dans son Language Hacking Guide, mais que Farber reconnaît avoir empruntée à Harry Lorayne, un prodige de mémoire ! Sa méthode pour retenir du vocabulaire en langue étrangère ressemble assez à un rébus mental. Il utilise ce qu’on appelle des « mnémoniques ». Par exemple, le mot « poulet » en italien se dit « pollo » (prononcé apparemment comme le jeu de polo). Pour vous en souvenir, imaginez et visualisez le plus clairement possible des poulets s’affrontant dans un match de polo. Plus c’est incongru et drôle et plus vous vous en souviendrez facilement.
« You now have a brand new “closet,” a foreign-language vocabulary memory system that lets you hang up new words as if they were new clothes. » (p94)
4) The Plunge
Il s’agit ici de s’immerger, de parler la langue autant que possible. De l’écrire également. Pour Farber, voir une langue étrangère écrite de sa propre main est incroyablement satisfaisant et aide à l’apprentissage de celle-ci. Alors même si vous ne faites que recopier quelques phrases de votre guide de conversation, écrivez !
Dans cette section, l’auteur évoque également tous les bénéfices et avantages que l’on retire de l’apprentissage d’une langue. Il évoque notamment les réactions de chauffeurs de taxi New Yorkais de différentes origines à qui il a adressé quelques mots dans leur langue maternelle. Certains sont allés jusqu’à refuser qu’il paye la course… J’ai également pu expérimenter ce genre de réactions enthousiastes et ravies en Inde lorsque je prononçais quelques mots de hindi. La surprise qui se dessine sur le visage de la personne à qui vous vous adressez, cela n’a pas de prix (non, je ne suis pas sponsorisée par Europcard Mastercard).
« Using the language is where the real learning is. » (p130)
5) En bonus
Une section « Back to Basics » ou « La grammaire pour les Nuls », soit les bases indispensables pour apprendre une autre langue.
« You’ve got to know something of your own language before you can efficiently learn another. » (p129)
Vous trouverez également en fin d’ouvrage des annexes comprenant une présentation du Language Club fondé par l’auteur, la liste des principales langues du monde ainsi qu’une présentation de certaines d’entre elles (que je dois avouer ne pas avoir lu entièrement de peur de vouloir les apprendre toutes ! Farber m’a déjà eue avec l’indonésien qui, je pense, sera ma prochaine tentative… Mais d’ici là, je pense tester sa méthode sur le suédois, chaque chose en son temps, du moins j’essaie.)
Farber utilise aussi le système des récompenses (évoqué ici) mais de façon plus « quotidienne » : ne pas s’accorder sa première tasse de café tant qu’on n’a pas révisé 10 mots appris hier, s’accorder un dessert si on peut faire défiler 10 flashcards sans se tromper, etc.
Conclusion :
La méthode de Farber pour apprendre n’importe quelle langue est-elle aussi miraculeuse que l’annonce le titre de l’ouvrage ? J’attends de tester, mais voici déjà mes premières impressions.
Rapide : Apprendre une langue ne se fait pas en une nuit. Farber le dit lui-même, c’est un processus sans fin, il y a toujours quelque chose à apprendre. Mais il est vrai que rentabiliser ses moindres moments perdus devrait accélérer drastiquement le processus…
Facile : L’auteur donne une méthode simple d’étapes à suivre, ce qui m’avait clairement manqué avec le Language Hacking Guide de Benny Lewis (malgré de bons conseils, je m’étais retrouvée un peu démunie à la fin de ma lecture, ne sachant trop par où commencer). Mais l’auteur admet également qu’on n’obtient rien sans effort. No pain, no gain. Mais il promet avec sa méthode : « Most gain for less pain ». Personnellement, j’aime qu’il indique quelques premiers pas clairs à effectuer pour commencer son apprentissage.
Pas chère : Tout est relatif. À la lecture de la liste de matériel à se procurer, je trouvais qu’il y avait comme un problème. Dévaliser une librairie n’est pas donné, surtout quand on voit le prix actuel de certaines méthodes avec CDs audio… Mais d’un autre côté, si l’on parvient à tirer le meilleur parti de ses outils, cela reste toujours moins cher que des années de cours de langue. Finalement, c’est un investissement.
Amusante : Selon moi, apprendre une langue devrait toujours être un plaisir. Il y a certes certains aspects peu agréables comme l’apprentissage formel de la grammaire, mais je trouve que Farber parvient à nous convaincre de son importance et à nous montrer qu’elle n’est pas une ennemie, au contraire. Il nous explique comment dédramatiser notre rapport à la grammaire et comment faire de nos autres outils (revues et magazines, guide de conversation…) des « jouets ».
On your own : Là, pas de doute, on apprend en autodidacte. Même si l’on a toujours besoin du « monde réel », de locuteurs natifs pour s’exercer et progresser. Pour pratiquer et enfin vivre la langue ! Mais personne ne pourra faire le boulot à notre place…
Mon avis : Globalement, je me suis beaucoup retrouvée dans How to learn any language, que ce soit dans de petites techniques, dans la conception que j’ai de l’apprentissage des langues, dans mon expérience personnelle… Mais j’ai également beaucoup appris. Je compte bien tester la méthode proposée par Barry Farber et je trouve que le livre apporte une bonne dose de motivation et d’envie. Je le recommande vivement.
Le mot de la fin : « You’ll succeed if you make sure you never go to bed knowing no more of your target language than you did when you woke up! » (p137)
Par ici, une interview un peu plus récente (2005) de Barry Farber.
Le livre a l’air intéressant, mais ton compte rendu est tellement complet que je ne sais pas s’il peut nous apporter quelque chose de plus. :-)
En tout cas, étant moi-même partiellement autodidacte, je trouve que, dans l’ensemble, ces conseils sont plutôt bons, même si je pense comme toi que la lecture et l’écoute doivent se faire simultanément dès le départ. Cela permet à mon sens un apprentissage plus efficace et aussi plus rapide.
Hahaha oui, je sais que j’ai tendance à être trop bavarde ! Mais j’ai tellement apprécié ce livre que je ne peux que te conseiller de le lire quand même ^^
J’ai découvert ton article il y a 3 jours… et hier je suis allée m’acheter une grammaire et un guide de conversation d’italien ! Ça faisait un moment que je voulais le faire, ne sachant pas trop par où commencer pour m’y mettre vraiment. Et tu m’as convaincue !
Bon, maintenant il va falloir réussir à caser ça dans mon emploi du temps déjà bien chargé, au milieu de mes différents projets…
Merci en tout cas pour ces super conseils !
C’est super Jeanne ! Merci beaucoup pour ton commentaire, je suis vraiment ravie d’apprendre que l’article t’as inspirée à ce point, quelle chouette nouvelle :) Bon courage avec l’italien, mais je suis sûre que ça va aller comme sur des roulettes ^^ A très vite
Comme tu le dis, le point de départ me semble difficile dans le cas du japonais alors que je ne connais que trois particules (no, wa, mo)… Mais j’aime l’idée du journal surligné malgré tout et je le garde en tête pour un peu plus tard.
Par contre depuis que je vis avec mon namoureux, nous avons en permanence des feuilles de kanjis (directement prises des manuels de l’inalco) dans la douche…
Ce livre me tente pas mal en fait moins pour apprendre le japonais que pour combler ma curiosité sur l’apprentissage des langues.
Alors fonce ! Il est vraiment bien, et très motivant je trouve :)
Bonjour, j’ai découvert ton blog grâce à Tiphanya et à votre rendez des apprentis polyglottes! :) Je compte vous rejoindre dans cette fabuleuse aventures des langues!
J’aime beaucoup ton blog et je pense te suivre régulièrement!
Bienvenue parmi les apprentis polyglottes, De.W ! Du sang neuf, ça fait du bien ^^
Contente que le blog te plaise, reviens-y quand tu veux :)
C’est pas mal de relire cet article maintenant que je me lance dans cette méthode. Je n’avais vraiment retenu que le point de départ. Je vais essayer de faire les flashcard (enfin quand j’aurai fini mes 5 leçons de grammaire).
L’as-tu testé pour le suédois ?
Je n’ai pas testé la méthode exactement comme ça car je n’ai pas de livre de grammaire « pure et dure ». La méthode Assimil, c’est quand même un peu hybride… (d’ailleurs, je serais très curieuse d’avoir l’avis de Farber sur ce type de bouquins ^^)
Mais j’essaye d’appliquer la partie où on multiplie les approches. Ces derniers temps, j’écoute un peu la radio. J’ai quelques journaux suédois qui trainent, etc… ça évite la routine :)
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