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Entretien avec Merl Storr, traductrice, correctrice et indexeuse

Merl Storr a étudié la philosophie et le français à Cambridge. Après un doctorat à l’Université de York, elle a mené une brillante carrière universitaire pendant plus de vingt ans. Merl est aujourd’hui traductrice du suédois et du français vers l’anglais. Elle travaille également en tant que correctrice-réviseuse et indexeuse d’ouvrages de sciences humaines et sociales. Pour visiter son site, c’est par ici !

Je tiens à remercier Merl pour sa gentillesse et le temps qu’elle m’a accordé pour cet entretien.

1) Comment avez-vous commencé la traduction ? Qu’est-ce qui vous y a menée ? Quelles facilités et/ou difficultés avez-vous rencontrées à vos débuts ?

La traduction est ma seconde carrière (ou l’une de ses composantes : je travaille également en tant que correctrice-réviseuse et indexeuse). Quand j’apprenais les langues étrangères à l’école, je m’imaginais toujours que, quand je serais grande, je serais traductrice. Mais je ne voulais pas pour autant faire une licence de langues à l’université. C’était il y a vingt-cinq ans. À l’époque, suivre un cursus de langue moderne signifiait en réalité étudier la littérature pendant quatre ans. J’avais toujours été intéressée par d’autres sujets en plus de la littérature, tels que la philosophie et les sciences sociales. De nos jours, le programme des formations de langues au Royaume-Uni est beaucoup plus diversifié qu’alors. J’ai donc choisi d’étudier d’autres matières, et ce n’est que bien plus tard, après une carrière universitaire, que la traduction m’a de nouveau rattrapée.

J’avais commencé à apprendre le suédois et, d’une certaine manière, ce processus d’apprentissage d’une nouvelle langue a ravivé ma passion pour la traduction d’une façon telle que je ne pouvais plus l’ignorer. J’ai pris des cours à la City Lit de Londres et ai passé le diplôme de traduction de l’Institute of Linguists. Le plus dur a été de prendre mon courage à deux mains et de me décider à quitter un emploi universitaire relativement stable afin de devenir traductrice indépendante. J’ai commencé par réduire mon temps de travail : je suis passée à un mi-temps tout en lançant en parallèle mon entreprise, de quoi me préparer à devenir free-lance à temps plein.

2) Vous traduisez depuis le français et le suédois. Pourquoi avoir choisi ces langues de travail ? Qu’est-ce qui vous a poussé vers elles et quelles affinités particulières, quels rapports entretenez-vous avec ces langues ?

À mon époque, le français était obligatoire dans l’enseignement secondaire au Royaume-Uni. Je crois que je suis tombée amoureuse de cette langue dès le tout premier jour. Je me souviens du jour où la professeure de français nous a appris les mots « Qu’est-ce que c’est ? » puis qu’elle les a écrits au tableau. La manière dont ils s’orthographiaient n’avait absolument rien à voir avec leur prononciation. C’était si fascinant que j’ai tout de suite accroché. Même si je n’ai pas fait une licence de langue, j’ai continué à étudié le français à l’université et cette langue a toujours fait partie de ma vie.

Ma rencontre avec le suédois, elle, s’est plutôt produite par hasard. J’ai commencé à l’apprendre il y a cinq ans, et je n’avais pas du tout dans l’idée de m’en servir professionnellement ni même de l’étudier de manière très poussée. J’allais simplement à un cours du soir afin d’apprendre quelques bases de suédois pour mes vacances à Stockholm (qui est la plus belle capitale d’Europe, que Paris me pardonne). J’ai eu le même coup de foudre* pour le suédois que pour le français : c’est une si belle langue ! Elle sonne fort joliment et de façon très caractéristique. Elle a également la même flexibilité que l’allemand, avec cette possibilité de former des mots composés. Mais elle a un supplément de douceur et de grâce. Ainsi, de mes bases de suédois pour les vacances, je suis rapidement passée à quelque chose de plus sérieux et à plus long terme. J’ai suivi un cours diplômant de suédois dispensé par le département d’études scandinaves de l’University College London (UCL). J’ai été surprise par l’importante demande que rencontraient mes compétences de traduction du suédois vers l’anglais, notamment parmi mes clients commerciaux.

3) Quel est votre meilleur souvenir de traduction ?

Mon projet de traduction favori est en fait celui sur lequel je travaille actuellement : c’est un projet à long terme pour une société faisant de l’investigation d’entreprise (Business Intelligence). Je fournis des traductions à une petite équipe qui enquête sur un cas de corruption suspectée dans une compagnie étrangère. Le cas est passionnant, et le travail est particulièrement intéressant car je fais partie de cette équipe d’enquête. Je peux suivre toute l’affaire et voir mon travail porter ses fruits, en contexte. C’est vraiment différent du rôle habituel du traducteur qui traduit un document et le renvoie à son client sans réellement savoir ce qui se passe ensuite.

4) Et le pire ?

Traduire des CV ! Je ne le fais plus très souvent désormais, mais quand j’ai commencé, j’en ai traduit des tas. Les tarifs sont plus bas que pour d’autres types de traductions. Et de toute façon, le nombre de mots par CV est toujours assez peu important, donc cela paye mal. En revanche, le travail est plus difficile que pour d’autres types de documents. C’est toute une question de jargon professionnel et de titres de postes, ce qui est toujours délicat à traduire. De plus, les CV donnent très peu d’informations contextuelles, ce qui n’aide pas le traducteur. Je passe parfois des heures à chercher la traduction d’une expression ou d’un terme pour un CV de quelques centaines de mots à peine. C’est toujours intéressant, bien sûr, mais pas vraiment avantageux d’un point de vue financier.

5) Quel est le texte (ou l’auteur) que vous rêveriez de traduire ?

Mes domaines de spécialisation en traduction sont le commerce et les sciences sociales. Je ne nourris pas le désir de faire de la traduction littéraire, donc en ce qui me concerne, il n’est pas tellement question d’auteurs que je rêverais de traduire. Mais à chaque fois que je vois des histoires de corruption ou d’investigation d’entreprise dans les médias (comme les récentes allégations sur la FIFA, par exemple), je me demande toujours qui fournit les traductions sur ces grosses enquêtes. Voilà l’idée que je me fais d’un boulot de rêve.

6) Pourriez-vous nous parler un peu de l’activité d’indexeur ? En quoi cela consiste-t-il ? Quelles qualités et compétences cet exercice requiert-il ?

Il y a beaucoup de différentes sortes d’indexation. Je suis spécialisée dans les indexes d’ouvrages non fictionnels, principalement dans le domaine des sciences humaines et sociales universitaires. Il y a deux aspects principaux dans ce travail. Premièrement, il faut analyser le texte, en comprendre le raisonnement et en extraire la structure conceptuelle sous-jacente : compiler un très bon index ne consiste pas seulement à rechercher les occurrences de certains mots ou noms sur la page, mais à fournir au lecteur un guide du texte à un niveau conceptuel. Deuxièmement, il faut compiler l’index en lui-même, ce qui implique le respect de règles et de codes spécifiques (comme celles de l’ISO, l’Organisation Internationale de Normalisation). Je peux compter sur mon expérience universitaire de plus de vingt ans pour la première partie du travail. Pour la seconde, je me suis formée auprès de la Society of Indexers. J’adore mon travail d’indexation : c’est un vrai plaisir d’intello !

7) Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un apprenti traducteur ?

Suivez une formation de traduction professionnelle. De nombreux jeunes linguistes imaginent qu’avoir un diplôme de langue en poche est suffisant, surtout lorsque les exercices de traduction sont au cœur du programme de la formation. Ils ne réalisent pas toujours que ces traductions qu’ils font en guise d’exercice à l’université sont largement insuffisantes face aux exigences de la traduction professionnelle.

*En français dans le texte

Propos recueillis et traduis de l’anglais par Catherine Derieux

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