Le 18 juin dernier avait lieu la quatrième journée de la traductologie de plein champ. Après « Traducteurs et outils : quels rapports ? » (2007), « Stratégies normalisatrices et traduction » (2008) et « De la localisation à la délocalisation : le facteur local en traduction » (2009), cette quatrième édition était consacrée cette année au désir de traduire et à la légitimité du traducteur. Dirigée par Nicolas Froeliger et Colette Laplace, sur une idée de Richard Ryan, cette journée d’étude a été riche et féconde en réflexions. Les travaux présentés feront l’objet d’une publication enrichie, je ne vais donc pas chercher à en faire un résumé exhaustif.
Je souhaitais simplement évoquer la présentation de Richard Ryan qui m’a particulièrement plu et amusée. Intitulée « Subtilités écœurantes ou la vie secrète du traducteur professionnel », elle dressait une typologie des êtres étranges et mystérieux que sont les traducteurs. Richard Ryan insiste bien sur le fait que cette typologie n’est ni exclusive ni exhaustive ainsi que sur le nombre important de traducteurs atypiques.
> Viennent tout d’abord les « multiculturels inquiets », souvent élevés dans des milieux bi voire plurilingues. Ils expérimenteraient des problèmes d’identité, liés à leur déracinement et exercerait l’activité de traduction comme une quête.
> Les « voyageurs passionnés », quant à eux, auraient tendance à souffrir des contraintes. Critiques et exigeants, ils sont en alerte face aux écarts entre les langues. Plutôt sourciers, ce sont des littéraires bien plus que des linguistes.
> Souvent interprètes, les « séducteurs aventuriers » sont des personnages multiples, d’une grande intelligence interpersonnelle. Collectionneurs de langues, voltigeur, esthètes, parfois provocateurs, ils seraient amateurs de mobilité et de prestige et préféreraient travailler en indépendant.
> Les « créatifs débordants » pencheraient plutôt du côté cibliste de la traduction. Ils valorisent la trouvaille et on les retrouve plutôt dans l’adaptation et la localisation. Ils vont aux limites de la traduction et se plongent dans la technique (TAO, sous-titrage).
> Gymnastes langagiers, encyclopédistes, les « surdoués tranquilles » porteraient leur multiculturalité avec légèreté. Ce sont de bons élèves qui veulent rendre une bonne copie. Ils sont plutôt polyvalents, peuvent très bien tirer profit d’une spécialisation mais apprécient également la traduction littéraire. Ce sont de très bons relecteurs.
> Enfin, les « réalistes contraints » ont fait un choix de raison. Expatriés ou ayant un conjoint étranger, ils ont choisi la traduction mais ne l’ont pas embrassée, il ne s’agit pour eux que d’un travail alimentaire. Ils compteraient donc parmi ceux qui résistent le mieux au contact corrosif du réel.
Bien évidemment, cette typologie est bien loin d’avoir plu à tout le monde dans la salle ! On lui a reproché d’être réductrice, et même de ressembler à un article de magazine féminin. Il est bien évident que toute typologie comporte un risque et pose problème dans le détail. Celle présentée par Richard Ryan peut même sembler très caricaturale. Mais malgré les critiques qu’on peut lui adresser, j’ai trouvé qu’elle restait cependant intéressante. En tant qu’apprentie traductrice, j’ai essayé de m’y situer. Je ne m’identifie pas à un type particulier mais plutôt à une combinaison de plusieurs types plus ou moins affirmés. Cela me permet également de me faire une idée de ce vers quoi je souhaite me diriger en tant que traductrice et de ce qui ne me correspond pas du tout. Aussi caricaturaux soient-ils, ces portraits mettent en lumière peut-être moins le traducteur que l’on est réellement mais bien plutôt celui que l’on tend à être…
Et vous, que pensez-vous de cette typologie ? La trouvez-vous intéressante ou bien réductrice et inutile ? De quel(s) type(s) vous sentez-vous le/la plus proche ou le/la plus éloigné(e) ?
C’est justement dans sa ressemblance avec le « test de magazine féminin » que cette typologie est réussie !
Elle pourrait s’intituler « Quel traducteur êtes-vous ? ».
Elle permet de démystifier la tache et la personne qui l’accomplit : pour une entrée en matière qui détende un peu l’atmosphère et fasse sourire les esprits ouverts (que sont bien entendu par nature les traducteurs … ;)
Ceux qui voient ça comme une insulte au sérieux de leur Corporation n’ont, à mon sens, pas chaussé les bonnes lunettes.
Jouons le jeu donc, trois ans après : Je suis une voyageuse passionnée qui regarde avec convoitise les copies impeccables des surdoués tranquilles.
Merci pour ton commentaire qui m’a poussée à retourner à ce billet des débuts du blog.
Ce qui m’amuse beaucoup, c’est de voir comment, il y a près de trois ans, je me retrouvais un peu dans la majorité de ces profils alors qu’aujourd’hui, ma position est nettement plus marquée. Je me sens clairement, comme toi, une voyageuse passionnée. Mais je pense avoir aussi un peu des « surdoués tranquilles » pour le côté polyvalent et perfectionniste. Cette évolution est plutôt rassurante d’un côté, cela veut dire que ma « position » s’affine et que je me connais aussi de mieux en mieux, en tant que traductrice mais aussi en tant que personne :)
Rendez-vous dans 3 ans ^^