[Divers]

Quand je serai grande, je serai polyglotte.

Le français est ma langue maternelle. Je jongle avec elle depuis mon plus jeune âge, sans réel mérite. Je m’en sers pour sculpter, modeler des phrases tantôt abruptes, tantôt ouateuses, pour tisser le fil de mes pensées. Avec les années, j’ai appris à connaître ses humeurs, ses subtilités, ses tours et ses artifices. Il arrive encore qu’elle m’étonne, qu’elle me résiste un instant, qu’elle s’esquive. On se dispute aussi parfois, lorsque je ne trouve pas les bons mots. Mais je finis toujours par la rattraper et reprendre ma route paisible à ses côtés. Avec elle, je me sens en confiance. Elle est comme une amie de longue date. Je la connais bien : elle est fidèle, sûre, sans mauvaises surprises. Mais parfois, c’est moi qui lui suis infidèle.

J’ai rencontré l’anglais à l’école, en CM1. Au début, je ne l’ai pas choisi. On me l’a imposé comme un camarade de classe avec qui il faudrait bien que je m’entende, que je le veuille ou non. Cela m’a pris des années avant que je commence à l’apprécier. J’ai commencé par le fréquenter par obligation, j’étais gênée et mal à l’aise. Puis nous avons passé du temps ensemble en dehors de l’école et du travail. Je le retrouvais le plus souvent au cinéma. C’est comme ça que l’anglais s’est insinué presque malgré moi, qu’il a fini par imprégner les fibres de mon esprit, par devenir un compagnon de route. Il arrive encore quelques fois qu’il me fasse perdre l’équilibre, mais j’ai appris petit à petit à le domestiquer, à l’approcher sans crainte.

Quand j’ai dû choisir, au collège, entre l’allemand et l’espagnol, je n’ai pas hésité un instant. L’allemand était trop rugueux, trop brusque pour mon palais. Il me faisait peur, avec son allure de brute. J’ai opté pour la chaleur et la suavité castillane. Je me suis efforcée de chanter ses mots pendants de longs mois. Mais dans les salles de classe bondées, je n’avais que peu de contact réel avec lui. Alors je me suis lassée, et on s’est perdu de vue. C’est lorsque j’ai posé le pied en Amérique latine que la fièvre m’a reprise. J’y ai découvert une nouvelle façon de chanter l’espagnol. Et cette fois-ci, je pouvais l’approcher autant que je le souhaitais, il ne se dissolvait plus dans les voix éteintes qui peuplaient les cours du collège. Il éclatait en bouche et enivrait mes oreilles. La langue n’était plus une obligation scolaire, mais un outil que je maîtrisais encore bien maladroitement.

C’est avec le hindi que j’ai enfin décidé par moi-même d’apprivoiser une langue. J’ai d’abord habitué ma main à l’alphabet devanagari. Je traçais inlassablement les lettres gracieuses sur une grande feuille blanche. Puis mon oreille s’est entichée de ses chansons. J’ai alors essayé d’en saisir les paroles. Puis j’ai eu besoin de partager cette amitié qui me liait à la langue. Je suis retournée dans les salles de classe, mais cette fois-ci, chacun avait choisi de s’y rendre, avec envie, appétit… C’est dans la campagne indienne, où personne ne parlait un mot d’anglais, que j’ai enfin ressenti la liberté qu’offraient les langues étrangères, que j’ai vu les portes qu’elles ouvraient dans le regard brillant de ces personnes qu’elles me permettaient d’atteindre. Même si l’on a à peine fait connaissance avec elle, une langue à la capacité extraordinaire de jeter des ponts entre nous et tant d’autres.

Mon nouvel amour s’appelle japonais. Nous apprenons doucement à nous connaître, à nous charmer. C’est une relation plus raisonnée peut-être, plus sereine certainement. Ce que j’aime surtout, c’est le dessiner. Découvrir chaque jour un nouveau trait de caractère, apprendre ce qu’il recèle, le lier à ce que je connais déjà. Pour une fois, je n’ai pas l’impression d’apprendre de façon linéaire. Je progresse lentement, mais je sens quelque chose se tisser en moi. Chaque langue est différente, de même que la relation qui nous lie à elle. L’important est de savoir goûter la saveur particulière de chacune d’elle. Le japonais me demande beaucoup d’efforts pour percer ses secrets. Mais j’abats avec plaisir, les unes après les autres, chacune de ses barrières. Car je sais que ça en vaut la peine.

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15 thoughts on “Quand je serai grande, je serai polyglotte.

  1. Deborah says:

    coucou, comment as tu trouvé le temps dapprendre toutes ces langues? jai deja fait du chinois, espagnol, japonais ( jai pas aimé le jap..)de langlais , allemand et je trouve ca beaucoup lol.
    Je suis en llce anglais, et je me remets a lespagnol, ca me prends deja tout mon temps.

    tu dois etre courageuse:)

    • cathymini says:

      Bonjour Déborah,
      Je suis loin de parler couramment toutes ces langues. J’ai un niveau différent pour chacune. J’ai passé plusieurs années à étudier en double cursus aussi, mais c’est surtout parce que je suis curieuse des langues. Mais je n’ai pas toujours le temps d’approfondir autant que je voudrais…

    • Elaine says:

      Salut Deborah,

      c’est très difficile de trouver un temps pour toutes les langues, moi ce que je fais, c’est des « périodes » pour chaque langue: pendant quelques jours je me concentre sur le japonais et l’italien, puis les jours d’après l’espagnol et l’allemand, puis de nouveau japonais italien, etc. Je suis en master d’anglais et ça prend déjà pas mal de temps avec le mémoire à rendre et les cours … Je te souhaite bon courage et j’espère que tu va persévérer dans ton apprentissage des langues, tu verras ça paie!

  2. Kader says:

    J’aime beaucoup la métaphore que tu files tout au long de ton récit, celle d’un ami que l’on apprivoise , que l’on décide de retrouver ou d’étreindre même après des débuts difficiles. On vit avec toi ton goût des langues et on se retrouve dans tes aventures, tes amours et expériences.
    Je ne sais pas quel âge tu as aujourd’hui mais tu fais preuve d’une grande maturité, sans doute les voyages ont-ils façonné ta vision pour la rendre si vraie, si juste.Comme toi, me retrouver dans la pampa indienne ou égyptienne et pouvoir communiquer avec des gens simples et si riches de coeur est sans doute le plus grand plaisir que me procurent les langues.
    Je me demandais ce qu’était devenu le hindi pour toi, est-ce que tu as pu l’intégrer à ta vie professionnelle? Je l’ai également étudié mais nous en sommes encore tous les deux à nous courtiser, les beautés du Rajhastan et du Bengale me reviennent à l’esprit lorsque je découvre tes péripéties à Udaipur la bleue bercée d’eau, Jaisalmer et son désert du thar, son village fantôme et ses petits cochons de gouttière :)

    C’est un grand plaisir de suivre ton cheminement via ton blog. Je te souhaite le meilleur.

  3. Je viens de connaître le blog grâce à Nathalie (la fille qu’a écrit le premier commentaire) et, bon… je l’ai tout de suite aimé :)

    C’est merveilleuse ta façon de décrire l’apprentissage des langues, si douce, si charmante… c’est impossible de ne rien dire. Il fallait que je te disait quelque chose !

    Merci pour ta tendresse, parce que ça donne le courage pour continuer avec le chemin des langues :)

    PS: Désolée si je n’arrive à bien écrire les mots que j’avais envie ou si j’ai des fautes… C’est dommage quand on ne maîtrise totallement une langue, mais tu m’as donné des forces pour continuer à apprendre la langue française.

    • cathymini says:

      Merci beaucoup Sandra pour ce très gentil commentaire :)
      Si cet article et le blog en général te donne du courage et de la motivation pour apprendre les langues, alors il remplit sa mission et j’en suis très heureuse.
      A très bientôt :)

  4. hadjer says:

    Je vous félicite Cathy pour cet blog intéressent, et je vous remercie également pour tous vos conseils qui moi personnellement me donne le courage à chaque fois pour réaliser mon rêve . je suis licencier en anglais, l’arabe et ma langue maternelle , je suis venue en France pour continuer mes études en traduction, le mois prochain je vais passer un examen d’entrée pour le master traduction éditorial ,économique et technique en trois langues(l’arabe, le français,et l’anglais) à l’ESIT je suis trop excitée pour cet examen et en même temps stressée , c’est quand même une école qui demande beaucoup de compétences , s’il vous plait Cathy je voudrai savoir quelques conseils à propos de cet examen qui pouvaient me donner plus de confiance sur moi même , on a toujours peur de échoué surtout pour un truc qui nous intéresse de plus. je vous remercie Cathy encore une fois . A bientôt

    • cathymini says:

      Bonjour Hadjer, merci beaucoup pour ton commentaire. Je suis ravie d’apprendre que ce blog te pousse à réaliser tes rêves de traduction, c’est fantastique !
      Concernant l’examen de l’ESIT, je te conseille fortement de t’entraîner avec les annales pour l’épreuve d’admissibilité. Fais les exercices de ta section en temps limité, c’est un excellent moyen de savoir ce qui t’attend le jour de l’épreuve et de voir là où tu es le plus à l’aise et là où tu as besoin de travailler. Sinon, le personnel de l’ESIT conseille aux candidats de lire la presse quotidiennement dans toutes leurs langues de travail. Moi, je te conseillerais de dévorer tout ce que tu peux trouver dans tes langues de travail sur un sujet qui te passionne. La presse, c’est pour l’examen. Ok, c’est important. Mais peut-être que ce n’est pas ce que tu choisiras de traduire plus tard. A mon avis, le plus important, c’est d’utiliser ses langues pour se faire plaisir !
      Voilà, j’espère que cela t’aide. Bonne chance pour l’examen et tiens-moi au courant ;)

  5. J’ai voulu être traductrice, et puis finalement non, et puis de temps en temps j’en fais un peu.
    J’ai toujours eu du mal avec l’approche scolaire des langues, une sensation de frustration tenace, m’incitant à tout laisser tomber. Mais comme toi les voyages m’ont réconcilié, plus même, ils m’ont invité à me jeter à l’eau, à parler, échanger et voir enfin la véritable raison d’une langue.
    Actuellement ma seule vraie frustration est de ne pas avoir eu le temps d’aller au Kenya ou en Tanzanie pendant ma licence de swahili, obtenue en juin dernier. Du coup maintenant il va me falloir patienter un peu, que ma fille soit plus grande, et je crains d’ici là de ne plus savoir parler swahili.

    • cathymini says:

      Tu peux peut-être continuer de pratiquer grâce à Skype ou d’autres modes d’échange sur internet ? C’est sûr que ce n’est pas comme un voyage sur place, mais c’est un bon moyen de ne pas perdre et tu rencontreras peut-être des gens à qui rendre visite dans quelque temps :)

  6. Dagmara says:

    « Je voulais tout d’abord te dire que ton blog était une bonne source d’inspiration pour moi: ça me fait plaisir de lire quelqu’un partageant ma passion! » C’est ce que j’ai écrit dans un commentaire précédent. ;-)

    Cet article, « Quand je serai grande, je serai polyglotte. », un des premiers que j’ai lu, m’a par exemple donné envie d’écrire ma propre « autobiographie linguistique ». :)
    Je ne l’ai pas terminée, je n’arrive pas à écrire de façon aussi élégante et passionnante que toi! Je me perds dans les détails…
    Alors, pour simplifier les choses, j’ai décidé de résumer, en associant un verbe à une des langues qui me constituent ou que j’aimerais découvrir encore plus. Ce qui donne: dans mon cas, le français, c’est bien pour s’exprimer; l’anglais, pour partager; le polonais, pour se différencier; l’espagnol, pour écouter; le russe, pour comparer; l’allemand, pour communiquer*; le chinois, pour découvrir (et enfin percer le mystère des caractères!); le swahili, pour se rapprocher (de la culture africaine et kényane surtout).

    (*en effet, j’ai passé des vacances avec de la famille qui vit en Autriche, et je peux dire que le besoin et la nécessité de communiquer sont motivants pour apprendre plus vite une langue.)

    Les verbes peuvent changer au cours de la vie, en fonction de l’importance que prennent les langues ou certains de leurs aspects.

    Pour les épreuves de l’ESIT, tout d’abord, je te remercie de ton commentaire, même si tu l’as écrit après les épreuves! :)
    Ensuite, j’ai réussi les épreuves d’admissibilité! Je n’étais pas trop stressée avant d’aller à l’épreuve, j’ai par contre été stressée à la fin quand il fallait recopier toutes les réponses sur la feuille: j’écrivais à toute vitesse, car j’avais mal évalué le temps. J’ai été donc agréablement surprise de voir mon nom sur internet, car je gardais un faible espoir (mais espoir tout de même). Comme toi, « j’en étais même sortie persuadée d’avoir raté, comme quoi, on ne peut pas toujours se fier à son impression ! ».
    En revanche, je n’ai pas réussi les épreuves d’admission… une prochaine fois, peut-être?

    Bonne continuation! :)

    • cathymini says:

      Merci beaucoup pour ton commentaire Dagmara, c’est agréable de voir les gens revenir sur le blog et donner des nouvelles :)
      Désolée que tu n’ais pas été admise à l’ESIT, une prochaine peut-être, en effet. Je te le souhaite.
      Bonne continuation à toi également, à bientôt j’espère !

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