27 février 2011
Il est dix heures passées, un dimanche matin. Les rues sont presque désertes. Je m’engouffre dans le métro, en direction d’Odéon.
Je remonte la rue Monsieur le Prince d’un pas vif. Je ne suis pas très en avance. Je surveille les numéros du coin de l’œil. 39. 47. 61… J’aperçois déjà la file d’attente sur le trottoir. Arrivée au 67, au cinéma Les 3 Luxembourg, j’attends patiemment mon tour.
« Il ne reste qu’une douzaine de places ! Vous serez mal placés » lance la guichetière aux derniers spectateurs ayant fait le déplacement. Je débourse mes six euros et pénètre dans la salle, bondée. Je me faufile jusqu’au premier rang, m’installe, le nez levé vers l’écran trop proche. On installe même des chaises supplémentaires pour les retardataires.
Enfin, le film commence…
« Traduire est un film-Babel où des traducteurs de différents pays, s’exprimant chacun dans sa langue, parlent de leur expérience de passeurs de la littérature hébraïque écrite à travers les siècles : le Midrash, la poésie hébraïque médiévale, la littérature moderne et contemporaine. Les traducteurs parlent avec passion de la confrontation avec une langue qui les amène parfois à transgresser les règles de leur propre langue ».
Les images défilent, la voix chaleureuse de Nurith Aviv égraine en hébreu le récit de la Septante et du mythe de sa traduction… Un premier traducteur prend la parole. Puis un deuxième. Je me sens plutôt extérieur au propos et une vague inquiétude monte en moi. On parle de la langue hébraïque, fil rouge du film, ainsi que de textes religieux auxquels je dois reconnaître ne pas connaître grand-chose… Je m’inquiète soudain de passer à côté du film, de m’être trompée dans les attentes que je projetais en lui. Puis, doucement, dans un glissement à peine perceptible, les multiples voix enthousiastes parviennent à capter mon intérêt, m’entourent et me réconfortent. Peu à peu, le propos se déplace. Vers la littérature, l’acte de traduction. Vers l’influence de celles-ci sur la propre activité créatrice des traducteurs, pour la plupart auteurs eux aussi… Désormais, je bois leurs paroles, scrute leurs visages. Je détaille avec envie leur lieu de travail, des bureaux clairs emplis d’ouvrages mystérieux. Je songe un instant à la rubrique du Guardian, Writer’s room… Je suis fascinée par ces espaces secrets, intimes où l’on se retranche pour écrire.
Je suis subjuguée par la façon dont Nurith Aviv introduit chaque traducteur dans la structure de son film. Une vue extérieure, sur le monde. Une fenêtre dont la lumière obscurcit la pièce. Puis le contre-jour s’atténue et un corps apparaît, émerge de l’ombre. Le traducteur se révèle. J’ai trouvé ces courtes scènes tout simplement magnifiques, tellement justes. Une parfaite métaphore de ce qu’est la traduction. Un texte éclatant dont la réalisation brillante dissimule l’artisan, le créateur. La magie de ces brefs instants suffirait, selon moi, à donner toute sa raison d’être au film. Mais bien entendu, Traduire est plus riche encore, et chacun y trouvera quelque chose de précieux, d’intime, à emporter avec lui à la fin de la projection…
- Chana Bloch, Berkeley
En plus des séances quotidiennes, des rencontres sont organisées avec la réalisatrice et ses invités à la fin de la projection tous les mardis et jeudis à 21h et les dimanches à 11h. Pour le programme, on [Click !]
Un coffret Nurith Aviv comportant 3 DVD et 1 livre est prévu pour avril 2011.