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« La traduction littéraire, avant d’être un métier, c’est une passion » Entretien avec Corinne Atlan (2/2)

Suite et fin de l’entretien avec la traductrice Corinne Atlan. La première partie est disponible [ici !]

Du Bout des Lettres : Comment procédez-vous lorsque vous traduisez un roman du japonais ?

Corinne Atlan : Je commence toujours par faire un premier jet très proche du texte original. Je reste très littérale et j’obtiens un texte « entre-deux ». Ce n’est plus du japonais mais ce n’est pas encore tout à fait du français. À ce moment-là, il y a déjà quelque chose qui se dégage : les sons, la phrase, le rythme. Je crois qu’idéalement, il faudrait appliquer à la traduction de roman les mêmes principes qu’à la traduction de poésie. Il faudrait toujours tenir compte du rythme et des sons. L’ordre des mots, c’est autre chose. Quand j’étais étudiante, on nous répétait qu’il fallait essayer de conserver l’ordre des mots. Or, la structure de la phrase japonaise est inversée par rapport au français et, je me suis aperçue, par exemple en traduisant des haïkus, que j’étais parfois plus proche du texte en inversant, en mettant le début à la place de la chute, parce qu’alors le texte français devenait beaucoup plus fort et collait mieux à ce qui était exprimé en japonais. Ce qu’il faut avant tout respecter, même dans le roman, c’est la chair du texte : la sonorité, le rythme, la longueur. Lorsqu’on est obligé de faire une longue périphrase, c’est toujours embêtant. Je le fais aussi, bien sûr, il y a des cas où on ne peut pas faire autrement, mais j’ai toujours l’impression de tricher un peu.

D.B.d.L. : Vous n’avez jamais recours aux notes ?

C.A. : Non, pas de note. Je ne suis pas trop favorable aux notes. Si on est obligé de mettre une note, c’est que quelque part, on a renoncé à quelque chose. Sauf s’il s’agit d’un ouvrage savant, ou d’un roman historique.

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« La traduction littéraire, avant d’être un métier, c’est une passion » Entretien avec Corinne Atlan (1/2)

Distraitement, je feuillète un exemplaire jauni de l’Histoire sans fin. Il est tôt, le restaurant est encore vide. C’est au Café-Livres que j’ai donné rendez-vous à Corinne Atlan, traductrice prolifique, connue notamment pour avoir fait découvrir Murakami au lectorat français. Au programme : un déjeuner qui s’annonce passionnant, où nous allons parler de son parcours, du Japon et du métier de traducteur. Elle arrive, souriante, vêtue d’un blue jeans et d’un blouson brun. L’été ne s’est pas encore installé et l’air est vif. Pourtant, son sourire réchauffe la pièce. Mais ce qui me marque surtout, c’est la lueur qui s’allume dans son regard lorsque je prononce le mot « Japon »…

Du Bout des Lettres : Au départ, qu’est-ce qui vous a amenée à vous intéresser au Japon, à apprendre la langue japonaise ?

Corinne Atlan : À l’époque, j’avais dix-sept ans et envie de faire quelque chose qui m’intéressait vraiment. J’avais surtout envie de voyager, de découvrir le monde, et puis j’aimais les langues étrangères, alors je me suis inscrite en linguistique à la Sorbonne, et parallèlement aux Langues-O. J’ai choisi le japonais car c’est sans doute ce qui symbolisait pour moi le plus difficile et le plus lointain. Mais cela aurait pu être une autre langue. J’ignorais tout du monde asiatique. Ce qui m’attirait, c’était avant tout le terme « Langues et Civilisations Orientales ». Et j’étais fascinée par les idéogrammes, alors par curiosité, j’ai fait aussi un peu de chinois. Cela m’a moins plu parce qu’en chinois, il faut passer d’abord par l’apprentissage des tons. Le japonais, on pouvait s’y plonger tout de suite, et j’ai immédiatement aimé la sonorité de cette langue, elle était, comment dire, familière… Je ne sais pas précisément ce qui a été le déclic, pourquoi le japonais plutôt qu’autre chose. Mais au bout de deux mois, je pouvais dire pourquoi j’avais envie de continuer : tout ce que je découvrais me passionnait.

Un sanctuaire shinto à Nezu (Tokyo) ©Amanda Sherpa-Atlan

D.B.d.L. : Vous pensiez déjà à la traduction à ce moment-là ?

C.A. : Oh, moi, je n’ai jamais pensé… à rien ! J’ai été portée par mes choix du moment, par la vie. J’avais envie de faire plein de choses. J’ai toujours adoré lire et rêvé d’écrire, c’est sans doute ça le fil conducteur.

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« Le poisson et le bananier », rencontre avec David Bellos et Daniel Loayza

Est-il encore besoin de présenter David Bellos, professeur de littérature française et comparée à Princeton, biographe et traducteur de George Perec ? Et, pour ce qui nous intéresse aujourd’hui, auteur d’un livre sur la traduction, Is That a Fish in Your Ear? Translation and the Meaning of Everything.

En cette fraîche matinée de la fin du mois de juin, David Bellos nous fait donc l’honneur de sa présence au Café du Pont Neuf, pour la matinale mensuelle organisée par la délégation IDF de la SFT. Cerise sur le croissant, il est venu accompagné de son fidèle traducteur, Daniel Loayza.

Ce dernier ne se présente pas comme un traducteur professionnel, « car j’exerce d’autres activités pour gagner ma vie ». Mais la traduction n’est pas non plus pour lui un simple passe-temps. C’est une affaire de famille. Son père était traducteur littéraire ainsi qu’à l’ONU. Rien que ça. Sa mère enseignait la traduction à Genève. Sa première traduction littéraire ? Celle d’un texte de son père, car il n’avait pas d’argent pour lui offrir un cadeau, raconte-t-il avec humour. Par la suite, il fait des études de lettres, enseigne et se dirige vers la dramaturgie. Ces activités parallèles lui offrent la liberté de toujours choisir les textes qu’il traduit. Et pour l’ouvrage de David Bellos, il semble qu’il n’ait pas hésité bien longtemps…

Le projet du livre, Is That a Fish in Your Ear?, est né il y a trois ans, lors d’une réunion parents-professeurs à Princeton. David Bellos discutait avec un homme replet lorsque celui-ci lui dit : « Mais la traduction, ça ne remplace jamais l’original, pas vrai ? » Il y eut alors un déclic : cette affirmation n’est en fait qu’une manière de ne pas penser la traduction, de la déconsidérer. Et il existe de nombreuses pensées semblables qui servent « à ne pas penser ». C’est de ce constat et de l’envie de démonter ces idées qu’est né Is That a Fish in Your Ear?

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« Du Japon vers l’ailleurs : Enjeux de traduction ». Journée professionnelle du jeudi 3 mai 2012

Dans le cadre de sa politique culturelle, le Conseil général favorise la présence d’artistes sur le département. La Médiathèque départementale et le Musée départemental Stéphane Mallarmé accueillent cette année Corinne Atlan, auteur et traductrice. Avec elle, ils ont élaboré cette journée sous le signe du Japon et des enjeux de traduction.

Invité du Salon du livre, le Japon n’en finit pas de séduire et d’interroger les Français. Haïku, romans de Murakami, mangas, koans et contes zen, nous sommes tous lecteurs, à notre façon, de cette littérature… et pourtant, la connaissons-nous réellement ? Corinne Atlan nous accompagnera dans cette découverte en dévoilant les problèmes liés à la traduction de cette poésie, en donnant quelques repères sur cette production éditoriale. Se penchant sur son activité de traductrice, elle avait aussi envie d’écouter d’autres traducteurs s’exprimer sur le sujet, ainsi que d’entendre des éditeurs expliciter les atouts d’une bonne traduction et, au-delà, évoquer ce à quoi nous avons accès en littérature étrangère.

Pourquoi tel auteur et pas tel autre, telle œuvre plutôt qu’une autre chez un même auteur ? Tous les amoureux et les professionnels du livre ignorent souvent l’importance du lien entre traducteur et auteur dans la perception que nous avons des textes étrangers. Il est heureux que Corinne Atlan et ses invités aiguisent notre jugement. Du Japon vers l’ailleurs, nous allons donc voyager en compagnie de traducteurs.

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Les Rencontres de la traduction au Salon du livre 2011

Jeudi 17 mars se tenaient les premières Rencontres de la traduction organisées par le Salon du livre de Paris, un évènement répondant à une vraie demande, un rendez-vous que les organisateurs souhaitent pérenne. Au programme, cinq tables rondes rassemblant d’éminentes figures de la traduction et de l’édition autour d’un débat : « Dans un secteur florissant, quelle est la place du traducteur ? » Pourtant, face au mécontentement que l’on sentait émerger par moments, on peut se demander si le secteur est aussi florissant que l’affirme ce titre…

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