Écrire

Françoise Sagan et l’écriture

Quand je commence un roman, j’écris d’abord un premier jet très libre. Surtout pas de plan, j’aime par-dessus tout improviser, avec l’impression de tenir les fils du récit et de les faire bouger à ma guise. Puis je travaille sur ce texte. J’équilibre les phrases, j’élimine les adverbes, je vérifie le rythme. Il ne faut pas qu’il manque une syllabe, un pied, quelque part. Écrire est aussi un travail d’artisan. Dans une phrase de roman, le nombre de « pieds » n’est pas fixé, mais on sent très bien si la phrase est boiteuse en la tapant ou en la prononçant à haute voix. J’aime la langue française, mais une erreur de français ne me fait pas bondir, j’essaie seulement d’écrire convenablement… Le titre d’un livre me paraît important. C’est un peu une manière de l’habiller. Je choisis toujours des titres qui me plaisent. Je les trouve presque toujours après avoir terminé.

Le plaisir d’écrire est inexplicable : brusquement, on trouve un adjectif et un substantif qui vont merveilleusement ensemble, on ne sait pas pourquoi, deux mots superbes, une idée qui est absolument en biais par rapport à ce qu’on voulait faire, mais qui est la bonne. C’est comme marcher dans un pays inconnu et ravissant.

Extraits de Je ne renie rien, entretiens 1954-1992, Éditions Stock (pages 56 et 58)

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Entretien avec Émilie de Turckheim (2/2) — « L’écriture est un lieu, un pays. »

img732Émilie de Turckheim est l’auteure de six romans, dont trois parus aux Éditions Héloïse d’Ormesson (Le Joli Mois de mai, 2010 ; Héloïse est chauve, 2012 ; Une Sainte, 2013). Elle a également publié chez Naïve un joli petit récit autobiographique sur son expérience de modèle vivant pour peintres et sculpteurs : La Femme à modeler (2012).

Je l’ai rencontrée lors de sa venue au Salon du livre de Paris grâce aux Nouveaux Talents, l’initiative de mécénat de la fondation Bouygues Telecom qui a à cœur d’accompagner les écrivains de demain.

La première partie de l’entretien est disponible [ici].

 

Vous avez écrit sur votre expérience de visiteuse de prison dans Une Sainte. Comment est-ce que vous tissez cette expérience réelle à la fiction, comment travaillez-vous cette matière ?

Avant de le faire, je pensais que ça ne changeait absolument rien, que c’était très abstrait ces frontières entre roman, texte autofictionnel ou autobiographique. Je pensais que dans tous les cas, on faisait la même chose de façon cachée : parler du monde qu’on voit, de soi, de son histoire, de son expérience… En écrivant ce texte qui me touche de très près (quand je l’ai écrit, cela faisait dix ans déjà que j’étais visiteuse), je me suis rendu compte que cela me posait un problème : sous prétexte que c’est tiré d’éléments vécus, j’ai l’impression qu’il faut que ça soit absolument vrai, que je n’ai pas le droit de modifier quoi que ce soit, même pas la couleur des yeux du détenu que je rencontre. Alors que quand je suis dans l’absolu liberté de la fiction romanesque, tout est permis, même quand je parle de choses très intimes qui sont finalement tout aussi réelles que cette expérience vécue. J’ai plutôt vécu cela comme frein. J’ai donc choisi cette forme idéalisée, presque du conte pour enfants, avec ce ton circulaire quasiment biblique pour mettre à distance ce qui me paraissait très étrange, c’est-à-dire la vérité de ma vie qui d’un seul coup n’avait plus rien à faire dans un livre. Tous ces détails qui normalement fleurissent de façon totalement impromptue, je devais au contraire les chercher comme dans des tiroirs en moi. C’est plus besogneux, j’avais la sensation de quelque chose de moins totalement libre.

À la rentrée littéraire prochaine, je publie mon journal de grossesse. À aucun moment il ne s’agit d’un roman. Dans ce cas-là, je me suis sentie beaucoup plus à l’aise parce que j’avais l’impression qu’il n’y avait absolument rien à changer. Tout était dicible, tout était pertinent puisque c’était autobiographique. Dans un roman qui s’inspire de mon histoire personnelle, c’est plus casse-gueule. Parce que j’ai un problème avec la vérité des détails. Je suis très attachée au sens des détails. Si je me mets à mentir, à remplacer un détail par un autre, même s’il me paraît plus vrai ou plus pertinent pour mon roman, j’ai un sentiment de malaise. Par exemple, dans Une Sainte, imaginons qu’un détenu dont je parle très évidemment lise — ce qui n’arrivera jamais — ce roman et se reconnaisse, qu’il reconnaisse la moitié des choses et pas l’autre moitié. Je me demande si la moitié inventée n’entache pas la moitié réelle. Je me demande si on peut mélanger à ce point les choses qui sont vraiment arrivées et les choses qui sortent de son esprit sans tout pervertir. Je n’ai pas vraiment de réponse à cette question, mais c’était très intéressant de se la poser avec justement un texte qui était à la limite de l’autobiographie — sur certains aspects bien sûr, je n’ai pas d’ailes qui poussent dans le dos et je n’ai jamais aidé quelqu’un à s’évader de prison ! Mais quand même, intégrer des lieux, des conversations, des personnages qui existent vraiment dans la vie, c’est le bordel.

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Entretien avec Émilie de Turckheim (1/2) — « L’écriture, c’est corrosif. »

SONY DSCÉmilie de Turckheim est l’auteure de six romans, dont trois parus aux Éditions Héloïse d’Ormesson (Le Joli Mois de mai, 2010 ; Héloïse est chauve, 2012 ; Une Sainte, 2013). Elle a également publié chez Naïve un joli petit récit autobiographique sur son expérience de modèle vivant pour peintres et sculpteurs : La Femme à modeler (2012).

Je l’ai rencontrée lors de sa venue au Salon du livre de Paris grâce aux Nouveaux Talents, l’initiative de mécénat de la fondation Bouygues Telecom qui a à cœur d’accompagner les écrivains de demain.

Retrouvez la seconde partie de l’entretien dans quelques jours !

Quand avez-vous commencé à écrire ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours écrit. Et avant même d’écrire en fait, je m’inventais des histoires que je reprenais soir après soir dans mon lit. Je composais comme ça de petits romans. Vers six ou sept ans, je préparais des tables des matières et j’écrivais le premier chapitre. Je me souviens que j’écrivais toujours des premiers chapitres. J’ai retrouvé de petits textes, écrits presque en phonétique. Je vivais à New York à l’époque donc j’apprenais à lire et à écrire en anglais et je n’étais pas encore très au point avec le français.

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Gilles Paris : « Écrire relève de la magie »

SONY DSCGilles Paris est l’auteur de quatre romans : Papa et Maman sont morts (Seuil, 1991), Autobiographie d’une courgette (Plon, 2001), Au pays des kangourous (Don Quichotte, 2012) et tout récemment L’été des lucioles (Héloïse d’Ormesson), qui rencontre un joli succès.

J’ai pu interviewer Gilles Paris lors du Salon du livre de Paris grâce aux Nouveaux Talents, initiative de mécénat de la fondation Bouygues Telecom qui a à cœur d’accompagner les écrivains de demain. Il a eu la gentillesse de partager avec moi quelques conseils d’écriture.

Quand avez-vous commencé à écrire ?

J’ai commencé à écrire à l’âge de 12 ans. Des nouvelles, des textes courts. Ça me plaisait beaucoup de raconter une histoire en peu de mots, peu de pages. J’ai écrit pas loin d’une centaine de nouvelles que j’ai longtemps laissées dans un carton. Quand j’ai commencé à réfléchir à l’idée de les faire publier, des éditeurs m’ont dit qu’il était difficile de publier des nouvelles, mais qu’il y avait un vrai ton dans mes textes et que je devrais les retravailler pour en faire des romans. C’est comme ça que sont nés mes deux premiers romans : tirés de nouvelles que j’avais écrites vers l’âge de quinze ans.

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Sandrine Colette : « Pour moi, l’écriture a eu une vertu cathartique »

SONY DSCCoupe courte, billes bleues et sourire franc, Sandrine Collette est une femme dynamique et fort sympathique avec qui on se régale de parler littérature ou chevaux. Après Des noeuds d’acier, un premier roman très remarqué et récompensé par le Grand prix de la littérature policière en 2013, vient de paraître chez Denoël son deuxième polar : Un vent de cendres.

Je l’ai rencontrée lors de sa venue au Salon du livre de Paris grâce aux Nouveaux Talents, l’initiative de mécénat de la fondation Bouygues Telecom qui a à cœur d’accompagner les écrivains de demain.

Comment êtes-vous devenue écrivain ?

L’écriture fait partie de ma vie depuis que j’ai dix ans. J’ai toujours écrit, depuis que je suis gamine. Et dans mon métier, à l’université, on écrit aussi beaucoup : des articles, des thèses, des bouquins. Je ne sais pas si on devient écrivain, mais il y a un jour où on décide de faire un roman et pas autre chose. Pas un livre scientifique, pas un article pour une revue de sciences humaines, mais un vrai roman, tout simplement.

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Rodolphe Barry à Toulouse

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RENCONTRE AVEC RODOLPHE BARRY

autour de son livre Devenir Carver aux éditions Finitude

Jeudi 17 avril 2014

à 19h

Rencontre proposée par la librairie Terra Nova et animée par les étudiants du master Métiers de l’écriture et de la création littéraire de l’université Toulouse II-Le Mirail (Julie Bonnet, Catherine Derieux, Tiffanie Gabu et Nicholas Newth).

couvertureIl aura vécu intensément. Enfance heureuse, adolescence agitée, marié trop jeune, père à tout juste dix-neuf ans, il a connu la précarité, les galères et les frustrations, l’alcool et la descente aux enfers. On aurait déjà pu en faire un roman.

Puis il est mort une première fois, ou presque, à quarante ans – exit « Mister Whiskey » auteur contrarié et mari impossible –, pour renaître et mener une nouvelle vie. Une vie vouée à tirer les leçons du passé, à s’élever, à aimer « tout ce qui le grandit ». À devenir Carver, un des plus grands écrivains américains.

Lorsque Rodolphe Barry évoque Raymond Carver, nous entendons sa voix feutrée, nous sentons sa présence sobre et puissante. C’est une descente au fond du cœur de Ray.

Rodolphe Barry est né en 1969. Après des études de Lettres et de Cinéma, il séjourne trois ans en Nouvelle-Calédonie où il exerce divers petits boulots et écrit un essai, Rencontres avec Charles Juliet (La Passe du Vent). Il réalise aussi Libre le chemin, un film consacré à la vie et à l’œuvre de Charles Juliet, et publie un recueil de nouvelles : Entre les rounds.

 

Entrée libre

Librairie Terra Nova, 18 rue Gambetta, 31000 TOULOUSE

Avec le soutien de la Maison des écrivains et de la littérature

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