Écrire

Françoise Sagan et l’écriture

Quand je commence un roman, j’écris d’abord un premier jet très libre. Surtout pas de plan, j’aime par-dessus tout improviser, avec l’impression de tenir les fils du récit et de les faire bouger à ma guise. Puis je travaille sur ce texte. J’équilibre les phrases, j’élimine les adverbes, je vérifie le rythme. Il ne faut pas qu’il manque une syllabe, un pied, quelque part. Écrire est aussi un travail d’artisan. Dans une phrase de roman, le nombre de « pieds » n’est pas fixé, mais on sent très bien si la phrase est boiteuse en la tapant ou en la prononçant à haute voix. J’aime la langue française, mais une erreur de français ne me fait pas bondir, j’essaie seulement d’écrire convenablement… Le titre d’un livre me paraît important. C’est un peu une manière de l’habiller. Je choisis toujours des titres qui me plaisent. Je les trouve presque toujours après avoir terminé.

Le plaisir d’écrire est inexplicable : brusquement, on trouve un adjectif et un substantif qui vont merveilleusement ensemble, on ne sait pas pourquoi, deux mots superbes, une idée qui est absolument en biais par rapport à ce qu’on voulait faire, mais qui est la bonne. C’est comme marcher dans un pays inconnu et ravissant.

Extraits de Je ne renie rien, entretiens 1954-1992, Éditions Stock (pages 56 et 58)

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