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Corps et ponctuation : à propos de la petite communiste de Lola Lafon

Le 25 février dernier, Lola Lafon était à la librairie Ombres blanches pour rencontrer ses lecteurs, et surtout les membres toulousains du jury du Roman des étudiants France Culture / Télérama (dont j’ai la chance de faire partie). Retour sur un moment privilégié et impressions de lecture.

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On pourrait se demander pourquoi intituler un roman sur Nadia Comaneci « La petite communiste qui ne souriait jamais ». Car sur les vidéos, on le découvre, ce sourire enfantin de la gymnaste aux enchaînements parfaits. Elle n’affiche donc pas toujours ce visage fermé, cette expression appliquée. Pourquoi alors ?

« Le titre du roman, c’est Nadia vue par les Occidentaux », explique Lola Lafon. Finalement, ce n’est pas tant qu’elle ne souriait jamais, c’est qu’elle ne le faisait pas pendant ses enchaînements, trop concentrée sur ses mouvements, sur sa « mission ». Ce sourire, c’était encore quelque chose que le public lui réclamait. Quelque chose de plus. Car il en fallait toujours plus.

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Rencontre avec Lola Lafon le 25 février 2014

Mardi 25 février à 20 h

À la librairie Ombres blanches (Toulouse)

 

Rencontre exceptionnelle et « imprévue » avec Lola Lafon pour son roman La petite communiste qui ne souriait jamais (Actes sud).

Cette rencontre est organisée dans le cadre du nouveau prix littéraire, Le Roman des étudiants, proposé par France-Culture et Télérama.

La rencontre sera animée par les étudiants membres du jury.

La petite communiste qui ne souriait jamais 

Parce qu’elle est fascinée par le destin de la miraculeuse petite gymnaste roumaine de quatorze ans apparue aux JO de Montréal en 1976 pour mettre à mal guerres froides, ordinateurs et records au point d’accéder au statut de mythe planétaire, la narratrice de ce roman entreprend de raconter ce qu’elle imagine de l’expérience que vécut cette prodigieuse fillette, symbole d’une Europe révolue, venue, par la seule pureté de ses gestes, incarner aux yeux désabusés du monde le rêve d’une enfance éternelle. Mais quelle version retenir du parcours de cette petite communiste qui ne souriait jamais et qui voltigea, d’Est en Ouest, devant ses juges, sportifs, politiques ou médiatiques, entre adoration des foules et manipulations étatiques ?

Mimétique de l’audace féerique des figures jadis tracées au ciel de la compétition par une simple enfant, le roman-acrobate de Lola Lafon, plus proche de la légende d’Icare que de la mythologie des « dieux du stade », rend l’hommage d’une fiction inspirée à celle-là, qui, d’un coup de pied à la lune, a ravagé le chemin rétréci qu’on réserve aux petites filles, ces petites filles de l’été 1976 qui, grâce à elle, ont rêvé de s’élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue.

Le Roman des étudiants France Culture – Télérama

Le 3 décembre dernier, France Culture et Télérama lançaient un nouveau prix littéraire : Le Roman des étudiants France Culture – Téléramaqui couronnera chaque année en mars un roman français choisi par un jury étudiant. Il succède au Prix du livre France Culture – Télérama, créé en 2006 pour célébrer la rentrée littéraire de janvier, nouveau temps fort de la production littéraire française.

À l’occasion de l’édition 2014, le prix s’ouvre au monde étudiant. France Culture et Télérama ont décidé d’encourager et de soutenir les jeunes qui aiment lire et faire lire, avec le soutien d’un réseau de libraires indépendants.

 

En espérant vous y voir nombreux !

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Rencontre avec Maylis de Kerangal « La voix/e des possibles »

Vendredi 17 janvier

à 14 h 30

« La voix/e des possibles »

Née en 1967, Maylis de Kerangal a grandi au Havre. Après des études d’histoire, de philosophie et d’anthropologie, elle travaille chez Gallimard en tant qu’éditrice de guides de voyage, puis en jeunesse. En 2004, elle crée les Éditions du Baron Perché. Elle participe également à la revue Inculte.

Elle publie son premier roman (Je marche sous un ciel de traîne) en 2000 aux Éditions Verticales. Suivent La vie voyageuse (2003), un recueil de nouvelles (Ni fleurs ni couronnes, 2006), puis les très remarqués Corniche Kennedy (2008), Naissance d’un pont (prix Médicis 2010) et Tangente vers l’est (2012). Son dernier roman, Réparer les vivants, vient de paraître, toujours aux Éditions Verticales.

Entrée libre et gratuite.
Rencontre proposée par Mathilde Bonazzi et animée par les étudiants du Master Métiers de l’écriture et de la création littéraire, Département de Lettres modernes.
Maison des initiatives étudiantes (MIE)
Université Toulouse II-le Mirail – 5 allées Antonio Machado – 31058 Toulouse
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Rencontre avec C. Pujade-Renaud : « Une Histoire de femmes »

Jeudi 28 novembre 2013
à 14h30

« Une Histoire de femmes »

Née en 1932, Claude Pujade-Renaud est une romancière et nouvelliste française qui a longtemps pratiqué et enseigné la danse.
Codirectrice de la revue Nouvelles Nouvelles de 1985 à 1992, elle a publié cinq recueils de nouvelles et plus d’une dizaine de romans dont certains ont été distingués par des prix littéraires. Elle a reçu le Goncourt des Lycéens pour Belle mère en 1994 et le prix de l’écrit intime pour Le Sas de l’absence en 1998. À l’occasion de la sortie de Chers Disparus, la Société des gens de lettres lui a décerné le grand prix Poncetton pour l’ensemble de son oeuvre où les thèmes du deuil, de la mémoire, de la création et de la féminité reviennent constamment.
Avec Dans l’ombre de la lumière (publié chez Actes Sud en janvier 2013), Claude Pujade-Renaud ressuscite une femme oubliée par l’Histoire : la concubine de saint Augustin. L’ouvrage a été récompensé par le prix du roman historique le 11 octobre 2013.

Entrée libre et gratuite.

Rencontre proposée par Sylvie Vignes et animée par les étudiants du Master Métiers de l’écriture et de la création littéraire, Département de Lettres modernes.

Librairie Etudes Mirail La Fabrique
Université Toulouse II-le Mirail – 5 allées Antonio Machado – 31058 Toulouse

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Un dimanche avec Sylvie Germain (4/4)

Le 3 novembre, Sylvie Germain était à la librairie Ombres Blanches. Suite d’une esquisse de compte-rendu. Lire la première partie [ici], la deuxième [là] et la troisième [par là].

L’écriture mentale

On l’a compris, Sylvie Germain n’écrit pas à partir d’un plan, mais « découvre les livres en les écrivant ». Alors, sur la mort de l’une des sœurs jumelles de Petites scènes capitales, elle déclare : « J’ai été très surprise ! Et très triste, c’était l’un de mes personnages préférés. D’ailleurs, mon compagnon ne comprend pas quand je lui dis que je suis triste, qu’un de mes personnages vient de mourir. Il me répond ”Bah, fais-le revivre !” »

Et malgré cette découverte progressive de l’histoire, lorsqu’on lui demande comment elle retravaille ses textes, une fois le premier jet sur le papier, une fois trouvé le fin mot de l’histoire, la voilà qui s’exclame « Mais je ne retravaille jamais mes textes ! » Voilà qui a de quoi surprendre, éveiller la suspicion même. Et pourtant, à l’écouter, on parvient peut-être tout de même à saisir, à percevoir les lignes, les ombres qui se cachent derrière cette déclaration. Si elle ne sait pas où elle va, Sylvie Germain peut en revanche attendre des heures que quelque chose se déclenche, d’avoir quelque chose à poser sur le papier, sur ces « brouillons informes » qu’elle tapera une fois et une seule à l’ordinateur, incapable selon elle, contrairement à d’autres, de « se forcer à écrire des pages », de faire autrement qu’attendre que « ça » vienne, incapable aussi de produire plusieurs versions d’un même texte. Non, Sylvie Germain travaille au fur et à mesure, mentalement. Et quand elle répète ces mots, « le travail se fait en amont, c’est un travail mental, qui se fait au fur et à mesure, je ne relis pas l’ensemble, seulement ce que j’ai fait la veille », quand elle tente d’expliquer, plusieurs fois, de différentes façons, on imagine alors ce travail mental, ce lancinement, ce ressassement et l’on perçoit alors, peut-être, un peu, que cette phrase presque déjà définitive une fois écrite, cette phrase pourtant si travaillée, précise, on perçoit que cette phrase-là a longtemps mûri, grandi, s’est déployée dans cette « fabrique de l’imaginaire » avant de faire son chemin sur le papier.

Mais le travail avec le lecteur alors ? Car Sylvie Germain mentionnait que Pontalis n’avait reçu les manuscrits pour L’un et l’autre que finis, que c’était Roger Grenier son lecteur. Quelle place a-t-il alors, ce lecteur, face à ce texte qui n’est pas retravaillé ? Avec lui, Sylvie Germain discute, il lui indique de petites choses parfois, « pointe certains détails, une répétition, une maladresse ». Mais jamais Roger Grenier n’a « fait intrusion dans le texte, demandé de tout reprendre. Ma nouvelle lectrice (chez Albin Michel) me fait beaucoup plus de réflexions. Mais ce sont toujours des suggestions. D’ailleurs, il y en a une bonne moitié que je gomme, de quoi elle se mêle, pas contente ». Pourtant, elle reconnaît que l’avis de ce premier lecteur est très important. Admet que l’on a parfois des doutes sur un passage, une scène. Que l’on sait au fond de soi qu’il y a là une faiblesse. Et lorsque ce précieux lecteur vient pointer cet endroit précis, on sait alors qu’il n’y a plus à hésiter, qu’il ne faut plus reculer. Mais la voilà qui revient sur cette écriture en amont, mentale. Et conclut, énigme : « Le crâne, c’est la grotte de Lascaux ».

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Un dimanche avec Sylvie Germain (3/4)

Le 3 novembre, Sylvie Germain était à la librairie Ombres Blanches. Suite d’une esquisse de compte-rendu. Lire la première partie [ici] et la deuxième [là].

Mise en arrêt

Les Petites scènes capitales de Sylvie Germain, ce sont des scènes tragiques, dramatiques. Mais aussi « des scènes en apparence assez anodines, mais où, soudain, notre attention est requise, on est frappé, on est mis en arrêt ». Des scènes souvent courtes, « décrites sur un mode presque sensoriel ». Notre grand malheur, selon l’auteure, c’est notre incapacité à nous accorder le temps de nous étonner, de pouvoir « nous arrêter sur des trois fois riens », c’est de ne pas donner sa place au pouvoir de l’imagination et de l’étonnement.

« À force d’être familiers, il y a une usure, une sorte de tain sur notre regard. Puis parfois, un détail fait que, soudain, on voit l’autre sous un nouvel éclairage et c’est comme si on le voyait pour la première fois. Il faut se laisser surprendre par l’autre. Un grain de beauté. Une cicatrice. Un cil. Un battement de paupière particulier. La marque du temps sur la peau. Ces moments-là, c’est réaliser qu’être un vivant, c’est être un mortel. C’est être empoigné de l’intérieur. C’est quelque chose que l’on ne formule pas, mais c’est ce qui nous humanise le plus. » C’est ce qui arrive au personnage de Lili, lorsqu’elle jette un nouveau regard sur sa mère adoptive.

Et c’est cela, les petites scènes capitales : l’illustration de comment, peu à peu, les choses se déplacent. Sur un heurt brutal ou sur un effleurement. Elles font avancer un personnage. Ricochent aussi sur les autres.

Quand on lui parle de « moments très poétiques » dans son roman, de références à Rimbaud et à son Sonnet des voyelles, à Baudelaire et ses Correspondances, Sylvie Germain se rétracte doucement, saisit une opportunité de parler d’autre chose. Revient aux mots : « Le plus difficile, c’est quand on veut être très concret. Décrire des couleurs, des odeurs. J’adore les couleurs. Mais très vite, le vocabulaire devient trop technique. Parler des yeux bleus de Prusse ou vert Véronèse… Et pourtant, cela renvoie à une couleur de façon très précise. Certaines personnes ont des yeux couleur tesson de bouteille ou des yeux couleur de bière. C’est magnifique. Mais dit comme ça, ça ne fait pas chic ! » Ainsi, lorsque le peintre regarde les couleurs de sa palette, les mélanges possibles, l’écrivain fait de même, avec les mots, cherchant dans le vocabulaire ce qu’il y a de plus juste, de plus approchant, prenant pour cela certains détours lorsque nécessaire. « Mais ce n’est pas pour ça que je suis un poète », tranche Sylvie Germain. Et l’autre d’insister. Mais elle est ferme et assurée : « On peut avoir une écriture poétique, ce n’est pas cela qui fait de vous un poète ». Car pour Sylvie Germain, qui tient la poésie en si haute estime qu’elle refuse de s’en attribuer ne serait-ce que l’ombre du mérite, le poète est celui dont chaque phrase même est une petite scène capitale. Celui qui nous rend enfin disponibles à l’étonnement. Celui dont « parfois deux ou trois mots qui ont l’air de rien, posés là comme de petits cailloux, vous mettent en arrêt ».

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