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Rencontre avec Maylis de Kerangal « La voix/e des possibles »

Vendredi 17 janvier

à 14 h 30

« La voix/e des possibles »

Née en 1967, Maylis de Kerangal a grandi au Havre. Après des études d’histoire, de philosophie et d’anthropologie, elle travaille chez Gallimard en tant qu’éditrice de guides de voyage, puis en jeunesse. En 2004, elle crée les Éditions du Baron Perché. Elle participe également à la revue Inculte.

Elle publie son premier roman (Je marche sous un ciel de traîne) en 2000 aux Éditions Verticales. Suivent La vie voyageuse (2003), un recueil de nouvelles (Ni fleurs ni couronnes, 2006), puis les très remarqués Corniche Kennedy (2008), Naissance d’un pont (prix Médicis 2010) et Tangente vers l’est (2012). Son dernier roman, Réparer les vivants, vient de paraître, toujours aux Éditions Verticales.

Entrée libre et gratuite.
Rencontre proposée par Mathilde Bonazzi et animée par les étudiants du Master Métiers de l’écriture et de la création littéraire, Département de Lettres modernes.
Maison des initiatives étudiantes (MIE)
Université Toulouse II-le Mirail – 5 allées Antonio Machado – 31058 Toulouse
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Rencontre avec C. Pujade-Renaud : « Une Histoire de femmes »

Jeudi 28 novembre 2013
à 14h30

« Une Histoire de femmes »

Née en 1932, Claude Pujade-Renaud est une romancière et nouvelliste française qui a longtemps pratiqué et enseigné la danse.
Codirectrice de la revue Nouvelles Nouvelles de 1985 à 1992, elle a publié cinq recueils de nouvelles et plus d’une dizaine de romans dont certains ont été distingués par des prix littéraires. Elle a reçu le Goncourt des Lycéens pour Belle mère en 1994 et le prix de l’écrit intime pour Le Sas de l’absence en 1998. À l’occasion de la sortie de Chers Disparus, la Société des gens de lettres lui a décerné le grand prix Poncetton pour l’ensemble de son oeuvre où les thèmes du deuil, de la mémoire, de la création et de la féminité reviennent constamment.
Avec Dans l’ombre de la lumière (publié chez Actes Sud en janvier 2013), Claude Pujade-Renaud ressuscite une femme oubliée par l’Histoire : la concubine de saint Augustin. L’ouvrage a été récompensé par le prix du roman historique le 11 octobre 2013.

Entrée libre et gratuite.

Rencontre proposée par Sylvie Vignes et animée par les étudiants du Master Métiers de l’écriture et de la création littéraire, Département de Lettres modernes.

Librairie Etudes Mirail La Fabrique
Université Toulouse II-le Mirail – 5 allées Antonio Machado – 31058 Toulouse

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Un dimanche avec Sylvie Germain (4/4)

Le 3 novembre, Sylvie Germain était à la librairie Ombres Blanches. Suite d’une esquisse de compte-rendu. Lire la première partie [ici], la deuxième [là] et la troisième [par là].

L’écriture mentale

On l’a compris, Sylvie Germain n’écrit pas à partir d’un plan, mais « découvre les livres en les écrivant ». Alors, sur la mort de l’une des sœurs jumelles de Petites scènes capitales, elle déclare : « J’ai été très surprise ! Et très triste, c’était l’un de mes personnages préférés. D’ailleurs, mon compagnon ne comprend pas quand je lui dis que je suis triste, qu’un de mes personnages vient de mourir. Il me répond ”Bah, fais-le revivre !” »

Et malgré cette découverte progressive de l’histoire, lorsqu’on lui demande comment elle retravaille ses textes, une fois le premier jet sur le papier, une fois trouvé le fin mot de l’histoire, la voilà qui s’exclame « Mais je ne retravaille jamais mes textes ! » Voilà qui a de quoi surprendre, éveiller la suspicion même. Et pourtant, à l’écouter, on parvient peut-être tout de même à saisir, à percevoir les lignes, les ombres qui se cachent derrière cette déclaration. Si elle ne sait pas où elle va, Sylvie Germain peut en revanche attendre des heures que quelque chose se déclenche, d’avoir quelque chose à poser sur le papier, sur ces « brouillons informes » qu’elle tapera une fois et une seule à l’ordinateur, incapable selon elle, contrairement à d’autres, de « se forcer à écrire des pages », de faire autrement qu’attendre que « ça » vienne, incapable aussi de produire plusieurs versions d’un même texte. Non, Sylvie Germain travaille au fur et à mesure, mentalement. Et quand elle répète ces mots, « le travail se fait en amont, c’est un travail mental, qui se fait au fur et à mesure, je ne relis pas l’ensemble, seulement ce que j’ai fait la veille », quand elle tente d’expliquer, plusieurs fois, de différentes façons, on imagine alors ce travail mental, ce lancinement, ce ressassement et l’on perçoit alors, peut-être, un peu, que cette phrase presque déjà définitive une fois écrite, cette phrase pourtant si travaillée, précise, on perçoit que cette phrase-là a longtemps mûri, grandi, s’est déployée dans cette « fabrique de l’imaginaire » avant de faire son chemin sur le papier.

Mais le travail avec le lecteur alors ? Car Sylvie Germain mentionnait que Pontalis n’avait reçu les manuscrits pour L’un et l’autre que finis, que c’était Roger Grenier son lecteur. Quelle place a-t-il alors, ce lecteur, face à ce texte qui n’est pas retravaillé ? Avec lui, Sylvie Germain discute, il lui indique de petites choses parfois, « pointe certains détails, une répétition, une maladresse ». Mais jamais Roger Grenier n’a « fait intrusion dans le texte, demandé de tout reprendre. Ma nouvelle lectrice (chez Albin Michel) me fait beaucoup plus de réflexions. Mais ce sont toujours des suggestions. D’ailleurs, il y en a une bonne moitié que je gomme, de quoi elle se mêle, pas contente ». Pourtant, elle reconnaît que l’avis de ce premier lecteur est très important. Admet que l’on a parfois des doutes sur un passage, une scène. Que l’on sait au fond de soi qu’il y a là une faiblesse. Et lorsque ce précieux lecteur vient pointer cet endroit précis, on sait alors qu’il n’y a plus à hésiter, qu’il ne faut plus reculer. Mais la voilà qui revient sur cette écriture en amont, mentale. Et conclut, énigme : « Le crâne, c’est la grotte de Lascaux ».

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Un dimanche avec Sylvie Germain (3/4)

Le 3 novembre, Sylvie Germain était à la librairie Ombres Blanches. Suite d’une esquisse de compte-rendu. Lire la première partie [ici] et la deuxième [là].

Mise en arrêt

Les Petites scènes capitales de Sylvie Germain, ce sont des scènes tragiques, dramatiques. Mais aussi « des scènes en apparence assez anodines, mais où, soudain, notre attention est requise, on est frappé, on est mis en arrêt ». Des scènes souvent courtes, « décrites sur un mode presque sensoriel ». Notre grand malheur, selon l’auteure, c’est notre incapacité à nous accorder le temps de nous étonner, de pouvoir « nous arrêter sur des trois fois riens », c’est de ne pas donner sa place au pouvoir de l’imagination et de l’étonnement.

« À force d’être familiers, il y a une usure, une sorte de tain sur notre regard. Puis parfois, un détail fait que, soudain, on voit l’autre sous un nouvel éclairage et c’est comme si on le voyait pour la première fois. Il faut se laisser surprendre par l’autre. Un grain de beauté. Une cicatrice. Un cil. Un battement de paupière particulier. La marque du temps sur la peau. Ces moments-là, c’est réaliser qu’être un vivant, c’est être un mortel. C’est être empoigné de l’intérieur. C’est quelque chose que l’on ne formule pas, mais c’est ce qui nous humanise le plus. » C’est ce qui arrive au personnage de Lili, lorsqu’elle jette un nouveau regard sur sa mère adoptive.

Et c’est cela, les petites scènes capitales : l’illustration de comment, peu à peu, les choses se déplacent. Sur un heurt brutal ou sur un effleurement. Elles font avancer un personnage. Ricochent aussi sur les autres.

Quand on lui parle de « moments très poétiques » dans son roman, de références à Rimbaud et à son Sonnet des voyelles, à Baudelaire et ses Correspondances, Sylvie Germain se rétracte doucement, saisit une opportunité de parler d’autre chose. Revient aux mots : « Le plus difficile, c’est quand on veut être très concret. Décrire des couleurs, des odeurs. J’adore les couleurs. Mais très vite, le vocabulaire devient trop technique. Parler des yeux bleus de Prusse ou vert Véronèse… Et pourtant, cela renvoie à une couleur de façon très précise. Certaines personnes ont des yeux couleur tesson de bouteille ou des yeux couleur de bière. C’est magnifique. Mais dit comme ça, ça ne fait pas chic ! » Ainsi, lorsque le peintre regarde les couleurs de sa palette, les mélanges possibles, l’écrivain fait de même, avec les mots, cherchant dans le vocabulaire ce qu’il y a de plus juste, de plus approchant, prenant pour cela certains détours lorsque nécessaire. « Mais ce n’est pas pour ça que je suis un poète », tranche Sylvie Germain. Et l’autre d’insister. Mais elle est ferme et assurée : « On peut avoir une écriture poétique, ce n’est pas cela qui fait de vous un poète ». Car pour Sylvie Germain, qui tient la poésie en si haute estime qu’elle refuse de s’en attribuer ne serait-ce que l’ombre du mérite, le poète est celui dont chaque phrase même est une petite scène capitale. Celui qui nous rend enfin disponibles à l’étonnement. Celui dont « parfois deux ou trois mots qui ont l’air de rien, posés là comme de petits cailloux, vous mettent en arrêt ».

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Un dimanche avec Sylvie Germain (2/4)

Le 3 novembre, Sylvie Germain était à la librairie Ombres Blanches. Suite d’une esquisse de compte-rendu. Lire la première partie [ici]

Le dernier roman de Sylvie Germain se découpe en 49 chapitres, ou 49 scènes. Quand on lui demande ce que ce chiffre représente, pourquoi pas cinquante, elle s’empresse de répondre qu’il n’y a là aucune symbolique, aucune volonté particulière. À part, peut-être, qu’elle « déteste les chiffres ronds » et a « un faible pour les nombres impairs ».

La fabrique de l’imaginaire

Sylvie Germain rebondit d’ailleurs la question de son interlocuteur et souligne que l’on demande toujours aux auteurs « pourquoi ? », « qu’est-ce que vous vouliez dire ? ». Elle, se défend : « Je ne voulais rien ! » Alors oui, il y a ces auteurs méticuleux qui préparent tout un plan à l’avance, qui s’y tiennent ou non dans l’écriture, mais qui, toujours, partent de ce synopsis détaillé qui les guide. Sylvie Germain, elle, non. Elle, c’est une image floue et persistante qui lui sert de point de départ, quelque chose comme un reste de rêve, quelque chose « qui lancine ». Et elle se lance, sans vraiment savoir où cette image la mènera. La voilà, la « fabrique de l’imaginaire », dont elle parlait un peu plus tôt. Chez Sylvie Germain, « les images appellent les images, les mots appellent les mots », ils ont leurs correspondances, se renvoient les uns aux autres, se font échos, parfois sans que l’écrivain même en ait conscience, maîtrise.

Et l’écriture est ainsi pour Sylvie Germain : « émanation, exhalaison ». Elle réclame de se mettre dans un état de disponibilité, une sorte de rêverie de laquelle l’imprévu surgit. Alors, pour sentir le moment où il faut s’arrêter, finir, il faut être en mesure de se dédoubler, d’opposer à la passion un reste de capacité de raison. Car il est difficile de finir. Si dès le début, on s’impatiente de connaître la fin, arrivé à celle-ci, on voudrait « continuer cette lutte, cette danse, cette aventure. Car écrire est une aventure, et si ça ne l’est plus, ce n’est pas la peine d’écrire. Ou alors on fabrique des livres ». L’écriture en appelle donc aussi à une extrême vigilance. Parmi ces « flux », ces « bouffées d’inspiration » qui vous raptent, il faut éveiller en soi « un scribe grammairien qui surveille, qui veille à la cohérence ». Et qui sache saisir au vol ces images qui surgissent parfois trop vite et fusent. Tout cela n’est pas sans risque, Sylvie Germain le dit : « L’imaginaire, c’est de la dynamite ».

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Un dimanche avec Sylvie Germain (1/4)

En cette matinée du 3 novembre, Sylvie Germain, petite mine mais regard acéré, était à la librairie Ombres Blanches pour présenter son dernier livre, Petites scènes capitales, et rendre hommage à J. B. Pontalis dans le cadre du Marathon d’automne.

Impressions d’un dimanche avec Sylvie Germain.


Sylvie Germain et l’Autre

En janvier 1989, J. B. Pontalis fonde chez Gallimard une collection qui cherche à dévoiler « les vies des autres telles que la mémoire des uns les invente ». Cette très belle collection, c’est L’un et l’autre, aux titres de laquelle figurent plusieurs ouvrages de Sylvie Germain : La Pleurante des rues de Prague (1992), Céphalophores (1997) et Les Personnages (2004).

Cette collection, où l’autre peut-être un inconnu, un objet, un animal (le chien, dans Les Larmes d’Ulysse, de Roger Grenier), voire une œuvre, mais plus souvent une figure du passé, un modèle, une inspiration, cette collection donc, qui offre une vraie liberté de sujet, est, pour Sylvie Germain « un très beau cadeau fait aux auteurs ». Elle ajoute : « Sans cette collection, ces livres, je ne les aurais sans doute jamais écrits ». Chaque titre de L’un et l’autre, elle le décrit comme un « exercice de gratitude, sans doute sa plus belle dimension ».

La Pleurante des rues de Prague

De sa première contribution à la collection de Pontalis, Sylvie Germain retient le titre, le problème de traduction qu’il pose : si l’on connaît « pleureuse » ou « pleurant », le terme de « pleurante » est quant à lui absent de bien des langues. La traduction opte donc souvent pour « pleureuse », qui n’est pas toujours très bien connotée. Sylvie Germain semble lui préférer le pleurant de la sculpture : « J’aime le participe présent. C’est quelque chose qui reste actif ».

La Pleurante des rues de Prague, c’est aussi « l’un des livres les plus représentatifs de comment fonctionne la “fabrique de l’imaginaire” », de cette persistance dans la pensée de certaines images dont on ne connaît pas nécessairement le sens. Cette « fabrique », elle en parle aussi dans Les Personnages, de « comment ils adviennent sans qu’on sache trop ce qu’ils nous veulent et comment l’histoire se construit autour d’eux qui nous échappent toujours un peu ».

Ainsi, « on écrit pour donner voix à cette altérité que l’on porte en soi. La collection L’un et l’autre est idéal pour cela ».

Céphalophores

Le céphalophore est ce saint décapité qui poursuit sa procession, sa tête entre les mains. L’image séduit Sylvie Germain qui s’amuse alors des nombreuses expressions langagières dans ce registre : perdre la tête, avoir la tête ailleurs… Elle s’amuse aussi de ce que ce mot, absent du dictionnaire, a plombé les ventes du livre : « Les gens m’ont demandé pourquoi j’avais écrit un livre sur les escargots ».

Puis, de nouveau sérieuse, elle parle de ce qui est, pour elle, « la plus belle image, terrible à la fois » : la tête d’Orphée, roulant dans le fleuve après que son corps eut été déchiqueté par les Ménades, et qui poursuit son chant. « Le chant du véritable poète ne peut jamais s’arrêter. Il continuera, même au bout du souffle, à appeler son Eurydice. »

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