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Je suis écrivain… ou presque !

Je suis écrivain.

Voilà, c’est « dit ». Même si je ne peux réprimer une grimace à chaque fois que j’écris ces mots et n’arrive pas encore à les prononcer à voix haute. C’est encore plus difficile que de dire « je t’aime » à quelqu’un pour la première fois. Mais si je veux un jour devenir auteur, c’est-à-dire un écrivain publié, il faut bien que je m’y habitue. C’est probablement la leçon la plus importante que j’ai tirée des quatre jours passés au Labo de l’Écriture : je suis écrivain. Et ce n’est qu’en étant capable de l’admettre, de le dire et même de le revendiquer que je pourrais, peut-être, si j’ai assez de chance et de talent, devenir auteur.

Depuis le Labo, j’ai ces mots inscrits dans ma tête, mais lorsque je parle de mes ambitions, de mes projets, je tourne autour du pot, je joue sur les mots et me contente d’un vague : « je veux écrire » (toujours mieux qu’un « je voudrais » dégonflé) ou « je veux vivre de ma plume » (pas besoin du mot « écrivain », ni dans un cas ni dans l’autre. Ouf, je suis sauvée). Ainsi, je peux encore me justifier : je sais bien que les écrivains qui vivent de leurs écrits sont des spécimens rares, peut-être même une espèce en voie de disparition. C’est pour ça que j’ai décidé de devenir rédactrice et traductrice, c’est le compromis idéal : j’écris, je travaille avec les langues pour mettre de quoi manger dans mon assiette et un toit au-dessus de ma tête. Mais le rêve, le vrai, ce serait de pouvoir acheter une maison posée au milieu d’un beau paysage et d’avoir tout le luxe d’écrire ce qui me passe par la tête toute la journée. De choisir ce que j’écris.

Avant le Labo de l’écriture, je ne disais pas cela sérieusement. Je ne m’autorisais même pas à le penser. C’était comme ces blagues que l’on fait en insistant bien : « je plaisaaaante ! » alors qu’au fond, c’est exactement ce que l’on pense. Même si on refuse de l’admettre.

Alors j’ai fini par me demander : pourquoi tant de résistance ? Pourquoi étouffer ainsi mes aspirations ? Je n’ai pas encore la totalité de la réponse. Et il y a des limites au déballage personnel… mais j’ai fini par en arriver à cette conclusion : il n’y a aucune honte à vouloir consacrer sa vie à l’écriture et à espérer un jour être publié. D’ailleurs, nous serions en moyenne 1 Français sur 5 dans ce cas ! Pourtant, c’est encore avec gêne et une petite voix timide que je l’avoue. Peur que l’on me rie au nez ? Que l’on me sorte l’éternel laïus : « on ne vit pas de l’écriture, ce n’est même pas un vrai métier » ? Peur de ne pas être à la hauteur ? De décevoir mes proches ? Ou peur que l’on me prenne pour une sacrée prétentieuse ?

Peut-être aussi est-ce si difficile car, pour devenir « officiellement » écrivain, le seul moyen est de s’autoproclamer tel. Et que, bien souvent, quand on écrit un tant soit peu, on a de légers problèmes de confiance en soi et de légitimité. Clamer haut et fort « je suis écrivain », même si c’est dans une pièce vide ou face à son reflet dans le miroir, c’est se faire violence. C’est attraper par les cornes le taureau furax qui nous fonce droit dessus, prêt à nous réduire en miettes, et comprendre que ce taureau, c’est nous.

Je crois pourtant que c’est le seul moyen : il n’y a que vous qui puissiez vous « transformer » en écrivain. Si vous ne vous considérez pas comme tel, si vous n’agissez pas comme tel, personne d’autre ne le fera pour vous. On a tous besoin de reconnaissance et d’encouragements. Mais l’approbation dont on a le plus besoin, c’est la nôtre. À partir de là seulement les gens autour de vous pourront commencer à vous prendre au sérieux et à vous considérer comme un écrivain. Votre père vous enverra alors des messages pour vous informer de concours de nouvelles, de prix récompensant des premiers romans. Votre compagnon manifestera sa fierté par de petites phrases enthousiastes : « c’est cool, ma copine écrit des livres ». Et ça, c’est précieux (même si vous ne pouvez vous empêcher de corriger l’élu de votre cœur par un « pas encore » désespéré). Tout comme les rituels que l’on développe et qui permettent d’entrer en écriture, il faut cultiver ces moments, ces petites victoires. C’est grâce à elles que demain, après-demain, le jour suivant et tous les autres après ça, je serai capable de m’asseoir dans mon siège et de continuer à écrire.

Je vois tant de raisons pour mettre mes rêves de côté et chercher un « vrai » métier. Pour ne pas prendre le risque… Mais j’en vois une autre, une seule, qui me pousse à vouloir tout de même tenter le coup :

« Écrire est l’unique chose que je fais sans me dire que je devrais faire autre chose. » (Gloria Steinem)

Aujourd’hui, je n’arrive donc peut-être pas encore à le dire à voix haute, mais je m’efforce de faire ce qu’il faut pour y arriver un jour, à dire ces mots d’une voix forte, pleine d’assurance et de fierté : je suis écrivain. Depuis la fin du Labo de l’Écriture, j’ai écrit presque tous les jours (avec de rares exceptions à cause de voyage à l’étranger, mais ce n’est plus une excuse suffisante aujourd’hui). Et depuis le 8 avril, j’ai pris la décision d’écrire au moins 1000 mots par jour. Je me force à poser mon postérieur dans une chaise et à écrire. Tous. Les. Jours. Et c’est fichtrement dur ! Tout ce que j’écris est loin d’être bon, mais voir les mots, les phrases, les pages s’accumuler avec une certaine régularité me donne peu à peu confiance.

Dans ce processus qui s’annonce long et difficile, je me suis dit que j’aurais besoin de soutien et d’encouragements. J’ai alors pensé à ce que je fais avec les Apprentis Polyglottes, ce rendez-vous mensuel sur le blog où j’évoque mes avancées dans l’apprentissage des langues étrangères. Je me suis dit que je pourrais faire la même chose avec l’écriture. Je ne pense pas rédiger un billet chaque mois sur ce que j’ai écrit, ça n’intéresserait pas grand monde. Mais pour m’obliger à « rendre des comptes », j’ai affiché en haut à droite du blog le nombre de mots et de signes que j’ai écrits. Je mettrai ce compteur à jour le plus souvent possible (dans l’idéal, après chaque session d’écriture). J’espère que vous serez là, amis lecteurs, pour m’encourager. Et si certains d’entre vous partagent les mêmes ambitions, le même rêve, je vous invite à me rejoindre et à installer votre propre compteur dans un coin de votre blog.

[Edit – 21/10/2013] : De la disparition du compteur de mots et d’un premier roman, six mois plus tard.

 

Et vous, c’est quoi votre rêve ?

 

Voir aussi 2 témoignages, tantôt drôles, tantôt émouvants :

Écrivain, un métier ?

Comment devient-on écrivain ?

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13 thoughts on “Je suis écrivain… ou presque !

  1. Ton billet me fait sourire, car j’ai quelques nouvelles publiées dans des recueils et le hasard m’a un jour conduit à faire une séance de dédicace. J’ai eu la sensation d’être un imposteur tout l’après-midi, surtout que le seul autre auteur du recueil avait déjà publié plusieurs fois et que tous les livres achetés l’ont été par des gens qui le connaissaient de près ou de loin (+ une copine de mon namoureux qui est à l’origine du hasard de ma présence ce jour là).
    Je ne suis pas prête de dire LA phrase magique à voix haute et de le reconnaître. Je suis même embarrassée (et honteuse) de ces livres où mon nom apparaît. Mais de temps en temps, j’envoie quand même l’un de mes manuscrits à des maisons d’édition et des nouvelles à des concours. Peut-être qu’avant de mettre un compteur sur mon blog je ferai mieux de commencer par faire mon coming-out.
    Je te souhaite en tout cas beaucoup de courage et j’espère avoir un jour l’occasion de lire tes écris sur du papier imprimé.

    • cathymini says:

      Ah bah, oui, là, il faut faire ton coming-out ! Allez hop :)
      Moi aussi, je jetterais bien un œil à ce que tu écris, sur papier ;)
      Merci pour ton message en tout cas.

      Et pour l’anecdote : c’est toi qui m’a publiée pour la première fois (dans la revue de l’Inalco), je ne sais pas si tu t’en souviens.

  2. Vanessa says:

    J’arrive un peu tard à la fête mais je viens de tomber sur l’article et j’ai pensé qu’un petit mot d’encouragement faisait toujours plaisir !
    Un de mes profs à la fac nous conseillait d’écrire quelques centaines de mots tous les jours, peu importe le sujet ou le support, l’essentiel c’était de s’y tenir. J’ai essayé 750words.com pendant un moment, peut-être que ça intéressera quelqu’un ici ;)

  3. C’est déjà un grand pas que s’avouer sa vocation, sa passion, un vrai coming-out, un peu effrayant au début, mais ça fait terriblement du bien quand même.
    Il ne faut pas avoir peur des mots surtout qu’ils constituent aujourd’hui presque toute ta vie : ton travail, tes loisirs, tes désirs.

  4. Pingback: Weekly favorites (May 6-12) | Adventures in Freelance Translation

  5. Isadora says:

    Au fond, tout au fond de soi, on le sait, on en est sûr, de cette vocation d’écriture. Le « statut » d’écrivain c’est déjà autre chose, qui vient ensuite : une manière de se positionner par rapport au monde, de ne pas (ne plus) autoriser les autres à nous définir, à nous dire qui l’on est. Mais le savoir suffisamment fort pour l’affirmer. C’est dans la confrontation à l’altérité que réside toute l’hésitation de ce « je suis écrivain ».
    Parce que tous ceux qui écrivent par vocation savent que c’est bien la seule chose qu’ils font sans y être contraints, sans se lasser : Parce Que.
    J’écris Parce Que. Parce Que c’est mon moyen le plus sûr d’accéder au monde, d’exister, de partager. Pas pour en tirer un pouvoir ou une supériorité. C’est là que bien souvent se cache l’erreur, l’ego.
    De plus en plus, depuis quelques mois, je demande aux gens qui m’entourent: C’est quoi ta vocation ? Parfois il faut préciser : Non, pas « métier », pas « passion », « vocation » ! Qu’est-ce que tu fais régulièrement et spontanément sans que personne ne t’y amène ? Qu’est-ce qui a toujours été là dans ta vie, qui t’a aidé à avancer, à trouver du sens, qui t’a fait grandir et que tu as voulu faire grandir en toi, même si la vie ne t’en a pas donné l’occasion ?
    J’ai découvert celle de ma mère tout récemment. On est parfois surpris de ce que nos proches abritent en eux.
    Alors même si l’on ne vit pas « de sa plume », même si l’on n’est pas publié, il y a quelque chose en soi qui se libère dès lors que l’on admet l’écriture comme vocation. Et ce n’est plus prétentieux, c’est simplement la manière d’être qui nous définit le mieux : Qui tu es, toi ? je suis écrivain. Ensuite, le succès, les critiques, les éloges, tout le reste devient presque accessoire en comparaison de la Joie de savoir qui l’on est …

    • cathymini says:

      C’est vrai tout ça. Mais des fois, on a du mal à s’admettre à soi même quelle est sa vocation. On n’est pas sûr de soi, de ses choix. Et après, qu’est-ce qu’on décide d’en faire de cette vocation ? Dire « je suis écrivain », c’est en rendre compte au monde, c’est d’une certaine façon choisir d’en faire plus que sa vocation. Car écrivain, c’est aussi un métier. Mais il faut souvent le rappeler, à soi-même aussi bien qu’aux autres.

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