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« Les modes d’exercice du traducteur indépendant » Matinale de la SFT du 21 avril 2012

Photo FlickR by Rofi

Voilà bien une chose qui m’a manqué durant ces six mois d’expériences australes : les matinales de la SFT ! C’est tout bête, mais depuis que j’y ai mis les pieds pour la première fois, j’attends toujours avec impatience cette rencontre de traducteurs. On y apprend toujours tout un tas de choses utiles en s’empiffrant dégustant un croissant bien gras (mais c’est si bon) et c’est également l’occasion de mettre un visage sur les pseudos de sympathiques twittos !

Ce mois-ci, le thème de la rencontre portait sur les modes d’exercices du traducteur indépendant. Et il y avait du monde ! À tel point qu’il a fallu enlever les tables pour gagner un peu de place… Pour ceux qui n’ont pu faire le déplacement, voici mon compte-rendu de la matinée (cet article a été rédigé à partir des notes que j’ai prises rapidement au cours de la matinale, il est donc possible qu’il contienne quelques imprécisions voire d’éventuelles erreurs).

I) Les entrepreneurs individuels

A) L’auto-entreprenariat (Laurent Laget)

+        L’auto-entreprenariat peut être associé à d’autres statuts (chômage, salariat, retraite).

+        La comptabilité est très simplifiée, on n’a aucun besoin de connaissances ou de logiciel. On peut également choisir entre une déclaration mensuelle ou trimestrielle.

+        S’établir en tant qu’auto-entrepreneur est totalement gratuit, facile et rapide. On peut s’inscrire en 10 minutes sur Internet et le dossier est traité en une semaine ce qui veut dire que, concrètement, on peut commencer à facturer au bout d’une semaine.

±        On ne facture pas la TVA, ce qui peut donner l’impression que ses tarifs sont moins élevés qu’ailleurs (ce qui est parfois considéré comme de la concurrence déloyale par les confrères).

±        On ne paye aucune charge si on ne facture pas : on est prélevé uniquement sur le revenu encaissé. Alors qu’avec certains autres statuts, on peut avoir à payer des charges même si on n’a aucun revenu. En revanche, cela veut aussi dire que si on ne facture pas, on ne cotise pas !

–        Le chiffre d’affaires est limité par un plafond annuel de 32 000 € nets : on peut dépasser légèrement ce plafond une année et conserver le statut d’auto-entrepreneur l’année suivante. En revanche, si on dépasse deux années de suite, on est obligé de changer de statut. Enfin, si on excède un second plafond de 34 000 €, on doit changer de statut dès la première année de dépassement. (La première année, le plafond annuel est au prorata, selon le moment où l’on s’inscrit. Ensuite le rythme annuel est calendaire).

–        On ne peut pas déduire ses frais professionnels. Le statut est donc surtout intéressant si on en a peu.

–        Le statut est encore jeune donc il y a régulièrement des changements mais aussi quelques cafouillages…

/!\ Adhérez à une AGA (une association de gestion agréée). C’est fortement conseillé lorsqu’on est en régime réel mais c’est également important lorsqu’on est auto-entrepreneur. Cela coûte environ 150 € et on peut bénéficier de formations gratuites (c’est plus cher en régime réel mais c’est également déductible).

/!\ Lorsqu’on est contraint de changer de statut, il faut s’en préoccuper dès le mois où on dépasse. Dès la facture qui nous fait dépasser le plafond, il faut facturer la TVA (sinon, on risque d’avoir à rattraper). Il faut également ne pas oublier d’avertir ses clients !

À lire : Auto-entrepreneur, passer à la vitesse supérieure, de Gilles Daïd et Pascal Nguyen

Conclusion : L’auto-entreprenariat présente de réels avantages lorsqu’on débute. C’est un statut très pratique. Mais il a également beaucoup de limites.

B) Le régime réel (Laurent Laget & Ilse Vandingenen)

+        Le plafond annuel est beaucoup plus élevé que pour l’auto-entreprenariat.

+        On facture la TVA, ce qui veut dire qu’on peut la déduire de ses achats.

+        Les frais professionnels sont déductibles (et hop, la matinale de la SFT ^^). On est imposé sur le bénéfice, c’est-à-dire le chiffre d’affaires moins les dépenses.

+        Les frais de formations professionnelles sont déductibles jusqu’à environ 600 € et les heures de formation donnent droit à un crédit d’impôt.

+        On peut souscrire un contrat Madelin afin de bénéficier d’indemnités journalières. On a ainsi une protection en cas de perte de revenu suite à un arrêt maladie. Autour de 55 €/mois pour le régime réel, mais le tarif varie selon les situations. Les frais engagés sont déductibles.

+        Si on travaille chez soi, on peut également déduire une partie de son loyer (à condition que la pratique d’une activité professionnelle à domicile soit autorisée par le règlement de copropriété. Dans le cas contraire, il faut faire une demande d’agrément).

/!\ D’ici 2015, les personnes travaillant à domicile et recevant des clients (même un seul par an) devront s’assurer que leur cabinet est accessible aux personnes handicapées : rampe d’accès, place de parking réservée, boutons d’ascenseur en braille…

+        Comme pour l’auto-entreprenariat, le régime réel est cumulable avec d’autres statuts.

–        Il faut rattraper toute la comptabilité depuis janvier quand on change de statut en cours d’année.

/!\ La première chose à faire est de prévenir l’URSSAF. Il faut également demander un numéro de TVA intracommunautaire.

/!\ Contracter une responsabilité civile professionnelle (environ 120 €/an). À faire même lorsqu’on est auto-entrepreneur d’ailleurs.

–        En plus de la déclaration 2042, il y a une deuxième déclaration d’impôts (la 2035) lorsqu’on est au régime réel.

Conclusion : Le régime réel peut être un peu intimidant lorsqu’on débute ou qu’on a encore peu d’expérience à cause de la comptabilité plus lourde, de tout l’administratif à réaliser. Mais en réalité, ce n’est pas si terrible (on peut toujours prendre un comptable, c’est déductible, même si ça reste une dépense non négligeable) et il y a tout de même de gros avantages.

II) Les entrepreneurs en société

A) La SCOP (Laurence Cuzzolin, de Trado Verso)

« L’amour, ce n’est pas se regarder l’un l’autre mais regarder dans la même direction. » Saint-Exupéry. Ce principe est valable également dans le monde du travail : on ne monte pas une affaire avec quelqu’un parce qu’il est « sympa », mais parce qu’on a la même approche, les mêmes objectifs et que l’on travaille bien ensemble.

/!\ Dans le cas de la traduction, prendre aussi en compte les combinaisons de langue : des combinaisons différentes peuvent parfois entraîner des déséquilibres (+ ou – de travail selon les personnes).

SCOP : Société coopérative et participative

+        Les salariés sont associés majoritaires, ils détiennent 51 % de la société (et 65 % du droit de vote).

+        Si tous les salariés ne sont pas associés, ils ont vocation à le devenir.

+        Le dirigeant n’est pas nommé mais élu par les salariés associés. Le droit de vote est indépendant du pourcentage de parts détenues dans la société : une personne = un vote.

+        Une SCOP a pour vocation de faire du profit, mais ce profit doit être réparti équitablement : une part pour les salariés sous forme de participation, une part pour les salariés associés (dividendes) et une part pour les réserves de l’entreprise.

+        Une SCOP est soumise aux mêmes impôts que toute société de droit commun mais verse plus de participation (au moins 25 % du bénéfice) qu’une entreprise classique. En affectant une part des bénéfices à la participation, on réduit d’autant le bénéfice imposable.

+        Les SCOP sont exonérées de la contribution économique territoriale.

+        Dans la SCOP, le gérant est salarié. Cela peut sembler plus juste lorsqu’on démarre son activité et qu’on n’est pas certain qu’elle va marcher : ainsi, le gérant aussi peut bénéficier des indemnités.

+        En travaillant dans une SCOP, on a le statut de salarié, ce qui signifie qu’on cotise pour tout (chômage, retraite, arrêt maladie, congé maternité…)

+        On peut déduire des notes de frais (livres, abonnements à des revues, téléphone, internet, pourcentage du loyer…)

+        En tant que salarié, on bénéficie également de 5 semaines de congés payés.

±        On peut mettre en place un système de gérance tournante mais cela coûte cher et il est souvent préférable d’avoir toujours le même interlocuteur avec certaines personnes (ex. : le banquier).

±        On est obligé de faire appel à un comptable pour le volet social (ex. : fiches de paye)

Conclusion : Tous les statuts ont des plus ou des moins. L’important est de se reconnaître dans celui qu’on choisit, que cela corresponde à son tempérament. Il faut aussi prendre conseil. Dans le cas de la SCOP, il faut bien noter que si on bénéficie de tous les avantages d’un salarié (cotisations, congés payés), cela ne tombe pas du ciel et il faut travailler suffisamment pour pouvoir se permettre de prendre ses congés.

Site de référence : http://www.les-scop.coop/sites/fr/

B) L’EURL (Larry Cohen)

EURL : Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (une seule personne donc, contrairement à la SARL qui en nécessite au moins deux).

+        Comme il n’y a qu’une seule personne, on est à la fois associé unique et gérant majoritaire. Les votes en assemblée générale sont plutôt simples !

+        Si l’entreprise fait des bénéfices, on les répartit entre dividendes et réserves de l’entreprise. La fiscalité sur les dividendes est très avantageuse mais il faut tout de même être vigilant sur la quantité de dividendes que l’on se verse. Si le pourcentage est trop élevé par rapport à sa rémunération fixe (qu’on nomme « appointements »), on risque d’avoir des ennuis (les dividendes risquent d’être perçus comme un salaire déguisé). Une bonne répartition serait en général 2/3 d’appointements et 1/3 de dividendes.

+        Comme les appointements sont fixes, on connaît d’avance le montant des charges que l’on va payer. Même si on ne sait pas combien d’impôts on va payer car les dividendes peuvent varier, on n’a tout de même une meilleure maîtrise.

±        On est non salarié mais comme la société paye tout de même une part des charges, on paye moins d’impôts. La somme des deux peut se révéler avantageuse.

–        Le patrimoine de l’associé unique n’est pas entièrement à l’abri (mais il n’est en général menacé que dans des cas extrêmes comme une fraude fiscale avérée ou des fautes graves).

–        Lancer une EURL demande tout de même au départ un peu d’argent et d’efforts. Mais ces contraintes s’allègent avec le temps.

III) Les indépendants salariés

A) Entreprise salariée en coopérative d’activité et d’emploi (Stéphanie Fortucci et Emanuela Schiano di Peppe, de chez Coopaname)

Les personnes rassemblées à Coopaname ont des activités différentes. Elles n’ont pas créé une entreprise mais intégré une coopérative pour y développer leur activité. Coopaname est une SCOP.

On se rémunère sur son chiffre d’affaires (dont on consacre 10 % au financement de la SCOP).

+        Chaque entrepreneur salarié gère son activité et ses relations avec sa clientèle.

+        On a la possibilité de déduire des notes de frais (elles sont remboursées par la structure).

±        En ce qui concerne les charges sociales, on paye les cotisations sociales salariales et patronales sur le chiffre d’affaires (comme pour le portage, elles sont donc assez élevées) mais comme il s’agit d’une entreprise partagée (Coopaname est considérée comme une entreprise de 500 personnes), on peut avoir des abattements. C’est la structure qui gère ça.

–        L’assureur de la SCOP refuse parfois certains types de traduction (scientifique, médicale et paramédicale).

B) Le portage (Corinne Détrès)

Il s’agit d’une relation tripartite entre le client, soi et la société de portage. On signe une convention avec la société de portage (pour spécifier, par exemple, que les clients nous appartiennent et ne sont pas liés à la société de portage).

+        On est déchargé par la société de portage des tâches administratives (facturation, recouvrement, déclaration à l’URSAFF).

–        Elle réclame 10 à 12 % du chiffre d’affaires pour cela.

+        On a tout de même une certaine sécurité : quand on ne travaille pas, on ne paye rien.

+        On a le droit de faire passer des frais professionnels.

+        On n’est pas seul. On est entouré d’une équipe administrative. Certaines sociétés de portage organisent même régulièrement des rencontres.

+        On peut bénéficier de formations dans les locaux de la société de portage. Elles ne sont pas nécessairement ciblées pour la traduction mais peuvent néanmoins s’avérer utiles.

+        On a accès à des offres de mission, on est parfois directement contacté par le biais de la société de portage. On peut également répondre à des appels d’offres.

–        L’administratif est géré par la société de portage mais il ne faut pas totalement s’appuyer là-dessus. Il faut revérifier. Il y a aussi le fait que les clients nous connaissent nous et qu’il est parfois préférable de gérer un recouvrement ou un client difficile soi-même.

–        Il y a un lien de subordination. La société de portage peut nous imposer certaines choses car on est un salarié (si on n’est pas content, on peut toujours aller voir ailleurs).

–        Les sociétés de portage ne connaissent pas toujours bien les spécificités de la traduction car de moins en moins de traducteurs sont en portage.

–        Le coût ! Le portage, c’est très bien pour se lancer mais il faut diviser son chiffre d’affaires par trois pour avoir une idée de son salaire net. Le coût est donc plutôt prohibitif, surtout avec le nouveau statut de l’auto-entreprenariat.

Pour bénéficier d’encore plus d’infos concrètes et de tonnes de bons conseils, courrez à l’excellente formation proposée par la SFT intitulée : « Réussir son implantation et se constituer une clientèle ». Indispensable pour qui souhaite s’établir en indépendant !

Vous pouvez également vous tenir informé des prochaines matinales organisées par la délégation IDF de la SFT ainsi que des formations en consultant le site internet de la SFT : [Par ici !]

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8 thoughts on “« Les modes d’exercice du traducteur indépendant » Matinale de la SFT du 21 avril 2012

  1. Helen says:

    Merci beaucoup pour ce résumé! C’est très utile. J’ai raté cet événement mais je compte faire un effort pour aller à la prochaine matinale.
    En lisant le compte-rendu, je me rends compte que mon statut d’auto-entrepreneur reste le plus simple et pratique pour moi en ce moment. Bonne journée!

    • cathymini says:

      Contente de pouvoir rendre service :) C’est vrai que le statut d’auto-entrepreneur est vraiment pratique ! Après, l’important est d’être à l’aise avec son statut, peu importe lequel ^^
      A bientôt !

  2. Si je peux me permettre une petite précision, la différence net/brut en autoentreprise ne concerne pas les plafonds, puisqu’on ne facture pas la TVA. Le plafond, c’est donc 32000 (et quelques, réévalué chaque année) facturés.

    Autre précision: en AE, on est imposé sur le montant facturé, donc le chiffre d’affaires. Au régime réel, c’est sur le bénéfice (donc le chiffre d’affaires moins les frais professionnels).

    Les autres intervenants : avec moi sur l’AE/le réel: Ilse Vandingenen. Sur la Coopaname, c’était Stéphanie Fortucci accompagnée d’Emanuela Schiano di Peppe. Enfin, sur le portage, merci à Corinne Détrès.

    Content que cette conf ait pu aider, même si c’était un peu du survol…

  3. Louise says:

    Merci, un article très instructif ! Ma question concerne les indépendants qui voyagent beaucoup, et longtemps : par exemple, pour toi qui es en Australie depuis quelque mois, ton activité est-elle toujours déclarée en France, ou cotises-tu en Australie ?
    Merci
    Louise

    • cathymini says:

      Bonjour Louise. Je suis désolée, je ne vais pas pouvoir répondre à ta question car je ne travaille pas encore en tant qu’indépendante. Je suis partie 6 mois en Australie et je suis rentrée il y a peu, mais je vais très probablement reprendre des études à la rentrée… Peut-être qu’un lecteur de passage pourra répondre. Sinon, tu dois pouvoir trouver des renseignements auprès de la Maison des Français de l’Etranger je suppose.

  4. Merci d’avoir synthétisé cette rencontre Cathy. Je viens de découvrir ton blog, d’où mon commentaire un peu tardif.
    Helen, j’étais moi-même en portage salarial jusqu’au mois dernier et j’ai décidé d’opter à mon tour pour le statut d’auto-entrepreneur, car le portage est effectivement très coûteux en dépit des avantages qu’il présente.
    Tant que l’on ne dépasse pas le CA annuel autorisé, comme le soulignait Laurent, le régime de l’auto-entreprise est vraiment pratique.

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